Une parade militaire menée en Syrie par l’organisation chiite libanaise pose autant question sur ses capacités que sur ses ambitions régionales.
Sur les images, habilement diffusées sur les réseaux sociaux, se dressent plusieurs colonnes de blindés: des transports de troupes M-113, certes vétustes, de fabrication américaine, quelques tanks T-72 équipés d’un blindage actif, des canons d’artillerie, ou encore les redoutables missiles “Kornet” russes montés sur buggy.
Tel est l’imposant arsenal de guerre exhibé la semaine dernière par le Hezbollah à Qousseir, ville syrienne sous son contrôle près de la frontière syrienne. Démonstration de force ou opération de communication? Ce sont probablement les deux objectifs qu’a cherché à obtenir le “Parti de Dieu” dont l’engagement militaire aux côtés du régime d’Assad lui vaut d’être dans le collimateur des rebelles syriens et des pays sunnites de la région.
Mais c’est au Liban, où le Hezbollah est souvent accusé par ses opposants d’avoir tissé un Etat dans l’Etat, que ce défilé a suscité le plus de critiques. Certains commentateurs y voient un message d’intimidation alors que le pays, au terme de deux ans et demi de paralysie institutionnelle, s’est enfin doté d’un Président de la république en la personne de Michel Aoun, pourtant allié politique du mouvement chiite.
Au moment où le Liban marque le 73ème anniversaire de son indépendance, le défilé du Hezbollah viserait aussi à rappeler que l’armée régulière ne saurait être seule maître du jeu en matière de défense nationale. Naïm Kassem, numéro deux de l’organisation, a même affirmé dans les colonnes du quotidien as-Safir que la parade orchestrée par ses troupes en Syrie démontrait la “vocation régionale” de la “résistance” - appellation du Hezbollah. En l’occurrence, l’affaire dépasse largement les frontières du Liban.
Des experts avancent que les véhicules exposés par les combattants chiites pourraient avoir appartenu à l’ALS (armée du Liban-Sud), supplétive de l’armée israélienne quand celle-ci occupait une zone de sécurité. Néanmoins, les Etats-Unis ont décidé d’ouvrir une enquête afin de s’assurer que les blindés M-113 du Hezbollah n’ont pas été dérobés aux forces libanaises, largement équipées par le Pentagone.
Ces livraisons d’armes américaines, au même titre que celles menées par la France, ont toujours éveillé les craintes de l’Etat hébreu lequel dit constater, à sa frontière nord, une collusion de moins en moins dissimulée entre les soldats libanais, dont certains appartiennent à la communauté chiite, et les membres du Hezbollah.
Reste que la mutation du groupe, de milice en véritable armée commandée par l’Iran, ne surprend pas les responsables israéliens. Depuis que le “Parti de Dieu” est engagé dans le champ de bataille syrien, les rapports du renseignement militaire (“Aman”) considèrent que le Hezbollah s’est aguerri et qu’il est en mesure de diriger des opérations combinées, notamment grâce à l’appui aérien de l’aviation syrienne.
L’impressionnant stock de missiles et de roquettes de l’organisation chiite - évalué à 100.000 projectiles - reste perçu comme la principale menace pour l’état-major israélien qui prépare activement ses troupes à un possible conflit qui ne sera plus totalement asymétrique.