Sabrina Kouider, co-accusée avec son compagnon Ouissem Medouni du meurtre de leur jeune fille au pair Sophie Lionnet, était entendue ce vendredi à la cour d'Old Bailey à Londres. De son enfance en Algérie aux mois précédents la mort de Sophie, le procureur a retracé le parcours chaotique de cette Franco-algérienne de 35 ans.
Cernée et le visage éteint, Sabrina Kouider s'avance à la barre. Voilà maintenant près de six semaines que les jurés assistent au procès de cette femme et de son compagnon Ouissem Medouni. Le couple est accusé d'avoir tué leur jeune fille au pair Sophie Lionnet le 20 septembre dernier.
Née en Algérie dans la ville d'El Attaf en 1982, Sabrina Kouider grandit auprès de sa grand-mère et de ses frères. La voix cassée, elle raconte avoir été agressée sexuellement par son oncle alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. Elle rejoint ses parents et sa sœur à Paris à la fin des années 1980 et explique avoir eu des difficultés à s'adapter à cette nouvelle vie.
A 18 ans, elle ingurgite une quantité importante de somnifères pour oublier le viol dont elle avait été victime enfant mais elle insiste : "Je n'ai pas essayé de me suicider, je voulais juste oublier". "Étourdie", elle tombe du balcon et se blesse grièvement. Elle avoue également fumer du cannabis de temps à autre pour "des raisons médicales".
Le procureur la questionne ensuite sur sa relation de près de 17 ans avec Ouissem Medouni, qu'elle appellera "Sam" pendant tout son interrogatoire. Elle livre alors un récit très différent de celui que son compagnon avait donné quelques jours plus tôt. Kouider le décrit comme un homme violent qui ne lui accordait presque aucune attention et qu'elle avait trouvé "bizarre" dès leur première rencontre dans une fête foraine en France pendant l'été 2001. Leur relation chaotique est alors ponctuée de ruptures et de rabibochages. Pendant 15 ans les amants terribles ne cessent de se détruire, Sabrina Kouider aura même deux enfants avec deux autres hommes.
Agressive et manipulatrice
En 2004, Kouider arrive au Royaume-Uni et enchaîne différents emplois : nounou, employée à la poste puis vendeuse de crêpes. Elle poursuit sa relation tumultueuse avec Medouni et explique qu'il n'est avec elle que pour "l'argent et le sexe".
Sa première grossesse en 2007 serait le fruit d'une relation d'un soir dont elle ne se souvient plus avec son ami Anthony François. Elle raconte s'être saoulée puis réveillée le lendemain matin aux côtés de ce dernier. Interrogé par la police, Anthony François a au contraire affirmé avoir eu une relation de six mois avec Sabrina Kouider. Il la décrit comme une femme "instable", "agressive" et qui pouvait être "aussi adorable que détestable"; elle pouvait s'énerver juste "parce que quelqu'un l'avait mal regardée". Des déclarations que Kouider, dans le box des accusés, semble nier en hochant négativement de la tête.
Elle rencontre Mark Walton, ancien membre du groupe irlandais Boyzone, dans une banque en 2011. De cette relation naîtra son deuxième fils en 2013. Elle explique avoir quitté le musicien car ce dernier était violent, notamment à l'égard de son premier fils. Une version qui contredit celle de Mark Walton qui avait raconté à l’audience être tombé fou amoureux, mais avoir vécu une relation « tumultueuse » avec Sabrina Kouider, qui pouvait « devenir folle » et « agressive ».
Une relation conflictuelle avec Sophie
Kouider rencontre Sophie pour la première fois par l'intermédiaire de son frère Jamal en France. "J'avais besoin d'une jeune fille au pair car je voulais reprendre mon travail", explique-t-elle. Sophie se rend alors à Londres pour une période d'essai de deux semaines puis revient travailler pour Sabrina Kouider dès janvier 2016. "Au début il n'y avait pas de problèmes", raconte Kouider. Tout se passe bien jusqu'en en mai 2017 lorsque son plus jeune fils lui parle d'une maison dans laquelle Sophie l'aurait emmené voir "un nouveau papa et une nouvelle maman". Elle raconte : "Il m'a dit qu'il était allé dans une nouvelle maison et que ses nouveaux parents allaient le tuer avec un pistolet".
"Au début je ne le croyais pas ", explique-t-elle en rajoutant qu'elle lui a mis du piment sur les lèvres "parce qu'il racontait des mensonges". Mais rapidement, Kouider se convainc que son fils lui dit la vérité lorsqu'elle lui montre une photo de Mark Walton et que ce dernier dit le reconnaître. Sept mois après le meurtre der Sophie, elle n'en démord pas : Sophie et Mark Walton ont abusé de son petit garçon. Kouider se donne alors une mission, faire avouer Sophie. Elle raconte en sanglots avoir battu Sophie "très fort" aux bras et aux jambes avec des câbles électriques en criant les noms de ses enfants.
S'ensuivirent alors les fameux interrogatoires que Sophie a subi pendant des mois. Enregistrée et parfois filmée, la jeune fille au pair avait avoué les pires crimes pour satisfaire ses tortionnaires. Selon les déclarations qu'a tenu Ouissem Medouni à la cour quelques jours plus tôt, le jeune fille est morte à la suite de l'un d'entre eux. Un interrogatoire musclé que Kouider aurait poursuivi sans lui dans la nuit du 18 au 19 septembre 2017. Il aurait été réveillé par sa compagne qui lui aurait montré le corps de Sophie inanimé dans la salle de bains en répétant « Qu’est-ce que j’ai fait ? ».
Le procès est ouvert jusqu'au 11 mai.
Blanche Vathonne avec Loïc de La Mornais