Le corps de Sophie Lionnet, 21 ans et originaire de Troyes, a été retrouvé calciné en septembre dernier dans le jardin de ses employeurs à Wimbledon, au sud-ouest de Londres. Le procès de ses meurtriers présumés, jugés pour meurtre et entrave à la justice, s’est ouvert lundi 19 mars à la Cour criminelle de Londres. Des dizaines d’enregistrements audio et vidéo ont été diffusés à la salle d’audience.
« Je vais te gâcher la vie comme tu as gâché la mienne ». Dans le box des accusés, Sabrina Kouider, 35 ans, habillée d’une doudoune noire et le regard dans le vide, redécouvre ses propres menaces proférées à l’encontre de Sophie Lionnet, sa jeune fille au pair. Son mari, Ouissem Medouni, 40 ans, vêtu d’un costume bleu marine, garde la tête baissée.
Installée à Londres depuis janvier 2016, Sophie subissait une véritable torture psychologique de la part de ses deux employeurs, français eux aussi. Selon l’acte d’accusation, elle vivait comme une prisonnière et était victime de « violences » et « d’intimidations ».
Une véritable torture psychologique
Ce mardi, les 12 jurés ont pu entendre des extraits audio provenant de plus de huit heures et demi de terribles séances que subissait régulièrement Sophie Lionnet. Sous la domination d’une employeuse qui voulait lui faire avouer des actes imaginaires, la jeune fille a fini par reconnaître les pires crimes, du kidnapping à la pédophilie.
Medouni et Kouider l'accusent d'être la complice de Mark Walton, le père de l’un des fils de Sabrina Kouider et membre fondateur du boys band irlandais Boyzone, devenu une véritable obsession pour Kouider. Selon le couple, Sophie aurait amené Walton mais également un autre homme qu’elle appellera Davidson, dans la maison familiale pour qu’ils commettent des actes sexuels sur toute la famille. « A chaque fois que tu rentrais, je sentais l’odeur de sexe », lui lance Kouider dans un enregistrement.
Des séances qui tournent à l’obsession pour le couple qui s’attarde sur des détails bien précis comme le moyen de transport que Sophie utilisait pour se rendre chez Mark Walton ou encore s’il habitait dans un appartement ou une maison. Pour le procureur, ces obsessions sont bien la preuve que le couple n’était pas intéressé par la vérité mais par ce qu’ils voulaient entendre de la bouche de Sophie.
Si Kouider et Medouni apparaissent calmes sur certains enregistrements assurant vouloir « l’aider » et ne pas être « contre elle », Sabrina Kouider apparaît aussi hurlant sur Sophie : « Tu as tout détruit ! Je prie Dieu pour qu’il m’empêche de te toucher, car je ne veux pas me salir les mains ! ».
Dans une vidéo diffusée à l'audience, Sophie apparaît très maigre, apeurée et finit par reconnaître la soi-disant complicité dont on l'accuse. « Cette dernière confession est tout sauf volontaire », a précisé le procureur Richard Horwell. « Quelques heures plus tard, on lui a ôté la vie. Sa mort était une punition et une revanche ».
Le dernier enregistrement, que les deux accusés avaient conservé sur leurs téléphones, date du 18 septembre. Deux jours plus tard, Ouissem Medouni était découvert, par les pompiers, en train de mettre le feu au corps, prétendant qu'il faisait cuire du poulet.
Le couple nie toujours le meurtre
Si Sabrina Kouider a toujours nié en bloc avoir tué Sophie en répétant à la police qu’elle « n’avait rien fait de mal » et qu’elle s’était réveillée un matin en trouvant le corps de la jeune fille aux côtés de son mari qui prétextait un « accident », Ouissem Medouni est revenu sur ses déclarations le 15 mars dernier en avouant qu’il protégeait sa femme et que c’était en réalité lui qui était allé se coucher avant elle. Des discours contraires qui ont valu aux accusés les interrogations du procureur.
L’analyse du médecin légiste révèle « des fractures au sternum, aux côtes et à la mâchoire ainsi que des hématomes sur les bras et le dos » sans pour autant confirmer qu’il s’agit bel et bien des raisons de sa mort.
La famille de Sophie Lionnet ne pourra quant à elle pas témoigner. Leur avocat Me Berton a déclaré : « Les portes de la justice anglaise nous sont fermées » en insistant que la famille« avait des droits » et qu’ils iraient « jusqu’au bout ». Cette façon de procéder n’a en réalité rien d'étonnant puisqu'il n’y a pas de partie civile dans la justice anglaise. Le système britannique est accusatoire à la différence de la France qui a une justice inquisitoire. La mère de Sophie a été entendue par Scotland Yard, la police britannique, mais elle ne parlera pas au procès.
Medouni et Kouider ont plaidé coupables pour entrave à la justice car ils ont tenté de dissimulé le corps mais nient toujours le meurtre. Le verdict n’est pas attendu avant au moins cinq semaines.
Blanche Vathonne avec Loïc de La Mornais