Grenfell Tower : deux mois après, que sont-ils devenus?

Deux mois après le tragique incendie de la Grenfell Tower à Londres qui a fait au moins 80 morts et 77 blessés et alors que l'enquête avance sous le feu des critiques, la vie reprend son cours pour les survivants, résolument tournés vers l'avenir

Cette semaine, les lycéens qui vivaient dans la Grenfell Tower et ses alentours ont été récompensés de leur persévérance et leur assiduité. Deux tiers d'entre eux ont en effet reçu des résultats positifs à leur très redouté examen d'Advanced Level (l'équivalent britannique du baccalauréat).

La catastrophe avait pourtant contraint leur école, la Kensignton Aldridge Academy, à fermer ses portes, laissant près de 660 élèves dans le besoin d'un nouvel établissement. Une centaine d'entre eux était alors en train de passer les examens d'A-Level.

Cinq élèves de l'école ont perdu la vie dans l'incendie, mais leurs amis ont eu le courage de se rendre aux épreuves, seulement quelques heures après le drame, comme le rapporte Sky News.

"Une de mes meilleures amies, que j'ai perdue, vivait dans la tour, raconte Amin Hashemi, 16 ans, à Sky News. C'était vraiment difficile, j'étais dévasté, d'autant que mon examen était le jour où tout cela s'est passé. J'étais tellement perdu pendant l'épreuve, je voulais vraiment avoir des réponses à des questions comme 'est-elle encore en vie?' Il se passait tellement de choses dans ma tête."

Un de ses camarades, qui passait également le A-Level, a expliqué à la chaine avoir été poussé à ne pas abandonner. "Je me suis dit que si l'on pouvait montrer [...] que nous pouvions tous nous sortir d'une tragédie comme celle-ci, cela montrerait un très bel esprit."

Ces étudiants ont de quoi être fiers, puisque 61% de ceux qui habitaient aux alentours de la tour Grenfell ont obtenu des notes entre A et C (le système de notation anglais allant du A au F, A étant la meilleure note) et 42% entre A et B. Ces notes leurs seront essentielles pour se faire admettre dans des facultés britanniques.

 

Des centaines de séjours en vacances offerts aux survivants

Autre signe que la vie reprend : depuis le début du mois, des familles ayant échappé aux flammes et des pompiers déployés sur les lieux se sont vu offrir des séjours en vacances, permises par la générosité d'inconnus via le financement participatif.

Les deux Anglaises à l'origine de l'initiative, Angie Mays et Kay Gilbert, souhaitaient à l'origine offrir des séjours aux pompiers présents sur les lieux afin qu'ils "dépassent ce qu'ils ont vu cette nuit-là et après", ont-elles expliqué. Mais face à l'engouement qu'à provoqué leur proposition, elles ont décidé d'en faire profiter les survivants.

"Nous avons reçu plus de 400 séjours. Nous avions des messages d'Australie et de Nouvelle-Zélande, des personnes qui proposaient de laisser leurs maisons [...] C'est incroyable de voir un tel soutien!" a expliqué Angie Mays à Sky News, rapporte The Independent.

Sky News a suivi Nabila, partie à la mer avec sa famille. "C'est incroyable! Dès le moment où j'ai vu la mer, respiré l'air... C'est tellement différent, a expliqué la jeune femme. Nous sommes tellement reconnaissants, nous sommes tellement honorés d'avoir eu ce moment, de voir les enfants sourire et dire qu'ils passent une super journée!"

L'incendie avait ravagé une tour de logements publics le 14 juin dernier

L'incendie avait ravagé une tour de logements publics le 14 juin dernier

 

La plupart des survivants sont toujours dans des logements d'urgence, deux mois après l'incendie

La situation pour les personnes affectées par la tragédie reste cependant très précaire. Au début du mois, le journal The Independant dévoilait que la majorité des survivants vivait toujours dans des logements d'urgence et que seulement un tiers avait accepté les offres de relogement du gouvernement.

Les autres ayant considéré qu'ils étaient "hautement inadaptés ". Cette situation perdure alors que la Première Ministre britannique Theresa May avait promis de reloger tout le monde sous trois semaines.

Le groupe de soutiens aux victimes Justice4Grenfell a décrit ces chiffes comme un "témoignage de la misère sans fin" des survivants.

 

Les pistes suivies par l'enquête critiquées

En parallèle, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer les pistes suivies par le juge Martin Moor-Brick dans l'enquête pour déterminer les causes de l'incendie. Pour certain, elles excluent un contexte socio-politique central en refusant de se pencher sur les conditions des logements publics en Grande-Bretagne de manière plus large.

Dans une lettre adressée à la Première Ministre, le chef de fils du parti Travailliste anglais Jeremy Corbyn s'est dit "profondément inquiet par la décision d'exclure les questions sociales et politiques soulevées par ce feu [...]."

"L'incendie a soulevé de profondes inquiétudes sur la manière dont est pourvu et géré le logement social dans ce pays et je crains - tout comme de nombreux survivants - que sans un élargissement des recherches, l'enquête ne parviendra pas à comprendre complètement les raisons de cet incendie," a-t-il fait parvenir à Theresa May.

Le chef de la Fire Brigade Union (l'Union des Brigades de Pompiers), Matt Wrack, a quant à lui avancé que l'enquête ne parviendrait pas à répondre à certaines questions cruciales. Selon lui, les chefs d'accusation actuels visent à dédouaner le gouvernement de toute responsabilité dans l'incendie.

"La Première Ministre était sujette à des critiques sévères dans les quelques jours après l'incendie. Depuis, nous avons vu le début d'une campagne destinée à protéger le gouvernement et à placer la responsabilité ailleurs" a-t-il affirmé, comme le rapporte The Guardian.

Clara Charles avec Clément Le Goff