En raisons de turbulences relationnelles, l'avion de M. Trump devrait atterrir avec un peu de retard. Après le discours de la reine Elisabeth II mercredi 21 juin, la venue de Donald Trump au Royaume-Uni semble un peu plus compromise. Sa Majesté n'a pas fait la moindre allusion à la visite du président des Etats-Unis, pourtant prévue pour cette année. Une indifférence qui vient s'ajouter aux rapports tendus entre le chef d'Etat américain et le maire de Londres Sadiq Khan, ou encore à l'absence de soutien des Britanniques envers Trump, condition pourtant essentielle à son déplacement selon ce dernier.
Si l'on en croit la conjoncture actuelle, les Britanniques ne sont pas prêts de voir Donald Trump fouler leur sol. La preuve en trois points.
Parce qu'il a pris un vent royal
Accrochés aux lèvres de la reine Elisabeth, les partisans britanniques de Donald Trump sont tombés de haut. Et pour cause, parmi les engagements du gouvernement de Theresa May pour les deux prochaines années, lus par la reine comme le veut la tradition, pas la moindre trace d'une prochaine visite d'Etat du président américain. Puisqu'il ne s'agissait pas d'une répétition générale mais bien du discours royal tant attendu, difficile d'imaginer une omission de la part du gouvernement, ou un saut de ligne malencontreux de la reine.
Or traditionnellement, ce discours mentionne les visites d'Etat à venir, et la venue du roi et de la reine d'Espagne en juillet prochain a elle bien été évoquée. Pour la presse britannique, cela ne fait aucun doute. Si cette visite n'a pas été annoncée, c'est qu'elle a été annulée. "Le discours de la reine est un signe supplémentaire que la visite d'Etat prévue de Donald Trump a été mise en attente, le monarque ne l'ayant pas mentionnée", analyse The Guardian. Même constat pour The Telegraph, pour qui "La visite d'Etat de Donald Trump au Royaume-Uni semble avoir été mise de côté pour au moins deux ans puisqu'elle ne faisait pas partie du discours de la reine". Ce n'est pas l'avis de la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders. Selon elle, la visite n'est pas pour autant annulée. "Ce n'est pas ce que la reine a dit. Elle n'a mentionné que les visites dont les dates sont déjà définies et la date ne nous a pas été confirmée pour le moment", a-t-elle déclaré.
Parce que les manifestants britanniques l'attendent de pied ferme
Lors d'un entretien téléphonique il y a quelques semaines, Donald Trump a fait part de sa réticence à Theresa May concernant son déplacement au Royaume-Uni, selon des conseillers de Downing Street. Le président Trump aurait expliqué ne pas vouloir faire le déplacement suite aux protestations des Britanniques en février dernier. En effet, les manifestations anti-Trump au Royaume-Uni n'ont pas plu au président américain, d'où son intention de ne pas se déplacer tant qu'il n'aura pas le soutien du peuple britannique.
Cet échange téléphonique a eu lieu plusieurs mois après que la Première ministre britannique ait invité le président américain à se rendre au Royaume-Uni, lors de sa visite à Washington en janvier dernier. Une invitation qui avait fait beaucoup de bruit au Royaume-Uni car jugée bien précoce, une semaine seulement après l'investiture du nouveau président.
Un des conseillers présents au moment de l'appel entre les deux chefs d'Etat a rapporté au Guardian que Theresa May était très surprise par la décision du président américain. Suite à cet appel, la visite d'Etat aurait alors été reportée au mois d'octobre. Pourtant, cela n'a pas été confirmé lors du Queen's Speech mercredi.
Parce qu'avec Sadiq Khan, la guerre est déclarée
Techniquement, le président des Etats-Unis peut tout-à-fait se rendre au Royaume-Uni en contournant la capitale, en ne posant qu'un pied au château de Windsor et l'autre à celui de Balmoral en Ecosse, parmi les résidences de la famille royale, avant de retraverser l'Atlantique en sens inverse. Symboliquement, c'est plus délicat. Comment imaginer une visite d'Etat au Royaume-Uni sans passer par Londres ? Or Donald Trump et Sadiq Khan, le maire de la capitale britannique, se sont publiquement écharpés ces derniers temps. Les deux hommes n'ont jamais été sur la même longueur d'ondes, mais leurs derniers échanges ont été particulièrement épineux. Tout a commencé avec un tweet très critique de Donald Trump - comme c'est souvent le cas - à la suite de l'attentat de London Bridge le 4 juin dernier. "Au moins sept personnes ont été tuées et 48 blessées dans une attaque terroriste, et le maire de Londres dit qu'il n'y "aucune raison d'être alarmé"!", a tweeté le président américain, en référence à une conférence de presse tenue par Sadiq Khan peu après l'attaque. Le maire de Londres a bien déclaré que la population n'avait aucune raison d'être alarmée... par l'augmentation du nombre de policiers dans les rues de la capitale suite au drame. En réponse a cette critique, le porte-parole du maire de Londres a déclaré que ce dernier avait "mieux à faire que de répondre à un président américain mal renseigné qui, délibérément, sort de leur contexte les paroles du maire".
Dès le lendemain, Donald Trump a réitéré ses attaques envers Sadiq Khan. Direct et cinglant, comme à son habitude, il a déclaré sur Twitter : "Excuse pathétique du maire de Londres Sadiq Khan qui a dû trouver une explication rapide à sa déclaration “pas de raison de s'alarmer”. Les médias traditionnels travaillent dur pour vendre cette version!".
C'était le tweet de trop pour le maire de Londres, qui a immédiatement appelé le gouvernement britannique à annuler la visite d'Etat du président américain au Royaume-Uni. Le lundi suivant l'attaque de London Bridge, Sadiq Khan est apparu sur Channel 4 News. Il a accusé Donald Trump d'avoir tort sur de "nombreux sujets" et s'est exprimé sur la visite programmée du chef d'Etat, qui selon lui ne devrait plus avoir lieu. "Je ne pense pas que nous devrions dérouler le tapis rouge au président des Etats-Unis compte tenu du fait que sa politique va à l'encontre de tout ce pour quoi on se bat", a-t-il déclaré, sans détours.
Sophie Chevallereau avec Loïc de La Mornais