"Fake news" : quand la presse britannique s'emballe... à tort.

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3 millions de livres. C’est ce que le Daily Mail va devoir verser à Melania Trump pour diffamation. Pendant la campagne présidentielle américaine, le quotidien britannique avait publié un article affirmant que la femme de Donald Trump avait été "escort-girl" dans les années 90. Ce que la "first lady" n'a pas apprécié... Un nouveau faux pas pour les tabloïds anglais qui n'en sont pas à leur premier revers juridique. Retour sur quatre "fails" de la presse britannique.

  • Ragot à la sauce anglaise

Publié en août dernier et depuis retiré, l’article publié par le Daily Mail affirmait que Melania Trump « proposait des services au-delà de son simple métier de mannequin »; des rumeurs portant atteinte à son intégrité et à sa dignité, selon l'un de ses avocats.

Mercredi 12 avril, le Daily Mail a finalement accepté de dédommager la première dame des États-Unis pour mettre fin aux deux actions en justice intentées par celle-ci. Dans un communiqué, le tabloïd britannique s’est également excusé, reconnaissant que le papier contenait des allégations « infondées ».

Capture d'écran.

Capture d'écran du Daily Mail/12.04.2017. "Les excuses" du journal à Melania Trump.

Pour compenser le préjudice causé, l’épouse du Président réclamait "150 millions de dollars" (environ 140 millions d’euros). Elle n’en a finalement reçu que 3 millions, en plus d’accepter le mea culpa de la rédaction.

  • Expelliarmus* ! 

Le Daily Mail n'en est pas à ses premiers démêlés juridiques avec des célébrités. En mai 2015 déjà, le quotidien avait dû présenter ses excuses publiques et verser des dommages et intérêts à J.K. Rowling, l'auteur de la saga Harry Potter.

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JK Rowling présente le tome 6 des aventures d'Harry Potter, "Le prince de sang-mêlé". Crédit : Reuters

L'histoire remonte à septembre 2013. Rowling écrit alors un article pour le site internet de Gingerbreadune association caritative britannique qui vient en aide aux familles mono-parentales. Elle y décrit son expérience de mère seule à Édimbourg, à l'époque où elle entreprenait l'écriture du premier tome des aventures d'Harry Potter.

Dix jours plus tard, le Daily Mail publie à son tour un article au sujet de ce témoignage qu'il qualifie d'"histoire à faire pleurer dans les chaumières". Un terme qui ne plaît vraiment pas à Rowling. D'autant plus que l'article contient de fausses déclarations concernant les relations de l'auteur avec la paroisse qu'elle fréquentait. Blessée par ce libelle, Rowling attaque alors le quotidien pour diffamation.

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Devant la haute cour de Justice de Londres, l'auteur de l'article finit par reconnaitre que ses allégations étaient "complètement fausses et indéfendables". Le Daily Mail se retrouve donc une nouvelle fois au tapis. JK Rowling, quant à elle, déclare être heureuse que l'affaire soit réglée et avoir versé une part de ses dommages et intérêts à des oeuvres de bienfaisance.

* Sortilège de désarmement dans Harry Potter

  • Erreur d’interprétation ?

En juillet 2011, le quotidien britannique Daily Mirror accuse l'humoriste écossais Frankie Boyle d’être « raciste. » Le journal se fonde alors sur des propos tenus par le comédien lors de l’émission satirique ‘Mock The Week’ de la chaîne BBC.

L'intéressé décide de poursuivre en justice le tabloïd, dénonçant une mauvaise interprétation du ton caustique de l’émission. Pour sa défense, il explique qu’il devait se mettre dans la peau d’un raciste lors d’un épisode où les comédiens parlaient d’immigration.

Capture d'écran BBC : "Boyle gagne £54,650 au procès pour diffamation à caractère raciste" Photo : "Le comédien est connu pour son humour controversé."

Capture d'écran BBC/22.10.2012 : "Boyle gagne £54,650 dans son procès pour diffamation à caractère raciste"Illustration : "Le comédien est connu pour son humour controversé."

 

Mais le comédien n'en est pas à sa première polémique. La BBC avait déjà présenté des excuses en 2008 pour une blague que le comédien avait faite sur la Palestine. Malgré ce passé un peu troublant, les juges lui ont donné raison : le Daily Mirror est condamné à lui verser 54 650 livres (environ 64 420 euros) de dommages et intérêts.

  • Jackpot et déshonneur

L'affaire Joanna Yeates fait la Une des journaux en décembre 2010. Après une soirée avec des collègues, la jeune architecte de 25 ans est portée disparue à Bristol. Son corps n'est retrouvé que huit jours plus tard.

Très vite, les soupçons se portent sur Christopher Jefferies, le propriétaire de son appartement qui réside également dans l'immeuble. Célibataire, professeur à la retraite avec de longs cheveux blancs en bataille... Pour la presse britannique, le sexagénaire a le profil du parfait suspect. Son arrestation par la police déchaine les médias qui publient un torrent d'articles aux titres accusateurs et au contenu diffamatoire.

Huit journaux - The Sun, Daily Mirror, Sunday Mirror, Daily Record, Daily Mail, Daily Star, The Scotsman et le Daily Express - rivalisent d'excès pour présenter le suspect. Leurs Unes sont sans appel : "Bizarre, snob, lubrique et louche" ou "L'étrange Monsieur Jefferies" pour The Sun, ou encore "Le meurtrier présumé de Jo' est un voyeur" pour le Daily Mirror.

Capture d'écran.

Mais Christopher Jefferies s'avère être innocent. En 2011, l'un des voisins de la victime finit par avouer le meurtre de Joanna Yeates. Cette même année, Jefferies poursuit les huit journaux pour diffamation dans plus de 40 articles. Les tabloïds avaient notamment présenté l'ancien professeur "comme un pervers sexuel voyeur qui se servait de son métier d'enseignant pour nourrir sa perversion."

Les huit médias perdent le procès. L'avocat du sexagénaire déclare : "Christopher Jefferies est la dernière victime de la chasse aux sorcières (...) menée par les pires éléments de la presse tabloïd britannique. La plupart des histoires publiées (...) avaient pour but de le présenter comme un 'monstre', sans considération aucune pour sa réputation, sa vie privée et son droit à un procès juste. Ces journaux ont présenté leurs excuses et payé des dommages et intérêts." Si le montant de la compensation financière n'est pas révélé, les médias parlent tout de même d'"une somme à six chiffres".

Par ailleurs, The Sun et le Daily Mirror sont doublement pénalisés avec en plus une condamnation pour outrage au tribunal. Pendant le jugement du vrai coupable, ils avaient diffusé des informations qui auraient pu porter préjudice au déroulement du procès. Quant au "faux coupable", son histoire est adaptée en 2014 au petit écran dans "L’honneur perdu de Christopher Jefferies". Un titre qui résume l'épreuve traversée par ce sexagénaire discret.

Marine Clerc, Victoria Rouxel et Lilya Melkonian.