Voilà un changement plutôt ironique. Alors que Theresa May vient de déclencher l'article 50 du Traité de Rome, synonyme du début des négociations de son divorce avec l'Union Européenne, une nouvelle pièce d'une livre vient d'être mise en circulation. Si ce changement est certes plus symbolique, il n'en est pas moins surprenant dans la mesure où la nouvelle pièce se rapproche fortement de l'apparence de la pièce d'un euro. Diamètre presque identique à quelques 18 millimètres près, structure bimétallique semblable, ce rapprochement esthétique ne sera pour autant pas suffisant pour faire oublier le fossé qui se creuse entre le Royaume-Uni et l'Europe.
C'est la sécurité qui a principalement motivé cette nouveauté. En effet, l’agence chargée de la frappe de la monnaie britannique, the Royal Mint, estime que plus de 3% des pièces d’une livre aujourd’hui en circulation – une sur 30 - sont fausses. La pièce actuelle est donc devenue de plus en plus vulnérable et de plus en plus facile à contrefaire. Cette inauguration marque donc la fin de vie d’une pièce âgée de plus de 34 ans, en la remplaçant par celle qui serait désormais la plus compliquée à reproduire dans le monde.
La Royal Mint a l’intention de produire environ 1,5 milliard de nouvelles pièces pour une transition qui durera six mois. Dès le 15 octobre prochain, les consommateurs ne pourront plus utiliser la précédente.
Légèrement plus grande et moins lourde que l’ancienne, il s’agirait de la pièce « la plus sûre au monde », par certaines de ces caractéristiques qui la rendrait inimitable. Elle est frappée notamment d’une image en relief qui change du symbole « £ » au nombre « 1 » en fonction de l’angle dont la pièce est vue. Désormais dotée de 12 côtés égaux alors que la précédente et l'euro sont ronds, ceux-ci sont gravés de la mention « One pound » inscrite en très petites lettres et presque imperceptible à l’œil nu.
Pour ce qui est de l’esthétique de la pièce, elle est fabriquée à partir de deux métaux avec, comme pour l'euro, un contour doré et un intérieur argenté. La Reine, Elizabeth II, apparaît toujours sur le côté face de la pièce, tandis que les symboles des quatre pays constitutifs du Royaume-Uni (la rose pour l’Angleterre, le poireau pour le Pays de Galle, le chardon pour l’Ecosse et le trèfle pour l’Irlande du Nord) apparaissent sur son côté pile.
Mais cette mise en circulation nécessite d’adapter toutes les machines actionnées par des pièces de monnaie, qui ne sont pas toutes prêtes à accepter la nouvelle pièce. La semaine dernière, de grosses compagnies de transport dont celle des transports londoniens avait soulevé des inquiétudes en annonçant que leurs caisses automatiques ne seraient pas prêtes à temps pour reconnaître la nouvelle pièce…
De plus, le coût des rénovations pour les Petites et Moyennes Entreprises (PMEs) a été décrit comme une charge considérable, rapporte The Independent. De quoi ajouter une préoccupation supplémentaire à celle du Brexit et ses conséquences.
Pour Clive Lewis, chef d’entreprise à l’Institut des Comptables agréés en Angleterre et au Pays de Galles, « l’impact financier que vont subir les PMEs pour s’adapter à la nouvelle pièce va éloigner leur attention des conséquences économiques que peut avoir le Brexit sur leur fonctionnement » alors que, selon le spécialiste, l’impact de la sortie de l’Europe sera autrement plus problématique.
Marine Clerc avec Loïc De la Mornais