Pendant la Seconde Guerre Mondiale, des milliers de familles allemandes juives persécutées par le régime nazi avaient choisi l'exil en Grande-Bretagne. A une moindre échelle et pour des raisons certes incomparables aujourd'hui, le Brexit motive certains d'entre eux ou de leurs descendants à faire le chemin inverse, en demandant la réacquisition de la nationalité allemande à laquelle ils ont été contraints de renoncer. Sept semaines seulement après le référendum du 23 juin dernier, l’ambassade allemande à Londres rapportait en effet 400 demandes supplémentaires, alors qu’elles n’étaient seulement qu’une vingtaine par an jusque là.
Theresa May a eu beau nier son intention d’entreprendre des négociations dures pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, déclarant au journal Skynews qu’elle n’acceptait pas « les termes de Brexit dur et de Brexit doux », cela ne devrait pas décourager les personnes motivées à acquérir la nationalité allemande. Michael Newman, directeur de l’Association des réfugiés juifs (AJR), avait d’ailleurs déclaré au journal The Telegraph qu’il « pourrait y avoir plus de candidatures une fois que les détails de la relation post-Brexit de la Grande-Bretagne avec l’Europe seraient plus clairs ».
Ces demandes reposent sur l’application de l’article 116 de la Loi fondamentale allemande - équivalent de la Constitution française -, qui permet aux anciens citoyens allemands, privés de leur nationalité pour des raisons politiques, raciales ou religieuses entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945, de candidater pour son rétablissement.
Leurs descendants peuvent également y prétendre, sous certaines conditions relatives aux règles d'acquisition de la nationalité par filiation à leur date de naissance. La loi prévoit par exemple que la citoyenneté allemande ne peut être transmise que par le père pour les personnes nées avant le 1er avril 1953, alors qu'une personne née après le 1er janvier 1975 peut y prétendre si au moins un des deux parents étaient allemands.
Selon l’AJR, 70.000 personnes ont fui le régime nazi en rejoignant la Grande-Bretagne et 5.000 parmi elles ou leurs descendants vivraient encore dans le pays. Ceci implique que des milliers de personnes sont susceptibles de prétendre à l’obtention de la nationalité allemande.
Thomas Harding, écrivain et journaliste britannique, ayant entrepris la démarche, explique : « La Grande-Bretagne a accueilli ma famille lors d’une période de traumatisme, et j’en suis très reconnaissant. Mais obtenir la citoyenneté allemande n’est pas dire « au revoir » à la Grande-Bretagne, sinon « bonjour » à l’Europe. »
Le Brexit inquiète en effet les britanniques quant à d’éventuelles mesures restrictives, pouvant affecter leur liberté professionnelle par exemple. Cette démarche permettrait à certains d’entre eux de garder leur citoyenneté européenne, et par conséquent, les droits qui en découlent, comme ceux de circuler, de séjourner, de travailler et d’étudier librement sur le territoire des pays membres.
Pour Sam Bowers, chercheur en écologie à l’Université d’Edimbourg, dont la demande a été acceptée en septembre dernier, « être capable de postuler pour des emplois en Europe, sans le désavantage d’un passeport non-européen est extrêmement important. »
Acquérir une nouvelle nationalité pour pouvoir continuer à bénéficier des avantages de la citoyenneté européenne ? Une manière de réagir contre le Brexit pour certains.
Marine Clerc avec Loïc De la Mornais