Mardi 25 octobre, le gouvernement britannique a annoncé son soutien à la construction d'une nouvelle et troisième piste à l'aéroport londonien d'Heathrow, à l'ouest de la ville, après près de 50 ans d'incertitude. Mais la décision a immédiatement rencontré de vives contestations au Royaume-Uni. Au point de diviser le parti conservateur en son sein. Le bureau de France 2 Londres vous donne trois raisons pour lesquelles l'agrandissement d'Heathrow agite tant le Royaume-Uni.
"En vue de donner un grand coup d'accélérateur à l'économie britannique, le gouvernement a annoncé aujourd'hui son soutien à une nouvelle piste à Heathrow, la première piste à l'ouest depuis la deuxième guerre mondiale", a annoncé le communiqué du ministère des Transports publié ce mardi 25 octobre. Le gouvernement de Theresa May, qui s'était autrefois opposée au projet, vient de donner son feu vert à la construction d'une nouvelle et troisième piste à l'aéroport d'Heathrow. "Ceci est le dernier chapitre d'une saga qui dure depuis près de 50 ans", a commenté la BBC. Le projet avait été évoqué pour la première fois dans les années 1970. Mais près de 50 ans après, il ne fait toujours pas l'unanimité. En voilà trois raisons.
- Politique
La décision a aussitôt été contestée par le monde politique. Boris Johnson, ancien maire de Londres et actuel ministre des Affaires étrangères vivement opposé au projet, n'a pas caché son désaccord. "Construire une troisième piste tape directement au milieu des banlieues ouest de la plus grande ville sur Terre et ce n'est pas la chose à faire." Il craint que la décision de la Première ministre n'engendre la construction d'une quatrième piste :
"Ce qui m'inquiète est qu'au bout du compte, si une troisième piste devait être construite - et je ne pense pas qu'elle le sera - mais supposez qu'elle le soit, alors il y aurait une clameur écrasante pour construire un quatrième piste aussitôt qu'elle sera achevée et alors, à quoi ressemblerait Londres? Aucune autre grande ville ne ferait cela à ses habitants. New York sera la ville des gratte-ciel, Paris la ville lumière et Londres, la ville des avions. Est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre capitale fantastique ?"
Le maire travailliste de Londres Sadiq Khan s'oppose aussi à cette décision. Selon celui qui a milité pour la construction d'une seconde piste à Gatwick, au sud de la capitale, c'est une "mauvaise décision pour Londres et pour le Royaume-Uni" qui "aura un effet dévastateur pour la qualité de l'air à Londres. La pollution au dioxyde d'azote autour de l'aéroport est déjà supérieure au seuil légal", a-t-il souligné.
Première conséquence politique directe, Zac Goldsmith, écologiste et député conservateur de Richmond, a annoncé sa démission ce mardi soir en signe de protestation, mettant ainsi à exécution une promesse faite aux électeurs lorsqu'il qu'il briguait la mairie de Londres.
2. Économique
Située à l'ouest de Londres, l'aéroport d'Heathrow est le plus fréquenté d'Europe. Il était en compétition avec Gatwick, au sud, en lice pour obtenir une seconde piste. Mais depuis près de 30 ans, aucun des gouvernements britanniques n'était parvenu à prendre une décision, notamment face aux revendications des habitants et des défenseurs de l'environnement.
Estimé à près de 20 milliards d'euros, le projet devrait augmenter le nombre de vols au départ de l'aéroport, à raison de plus de 700 000 vols par an d'ici à 2030, contre 480 000 actuellement. Son expansion sera financée par le secteur privé, et non par l'Etat britannique.
Theresa May a déclaré à l'Evening Standard que cette décision était faite pour "l'emploi et la croissance" et qu'elle montrait que le Royaume-Uni post-Brexit sera un "pays ouvert, global, et plein de succès". "Après des décennies de retard, nous montrons que nous prenons les grandes décisions quand ce sont les bonnes décisions pour la Grande-Bretagne et nous nous assurerons qu'elles sont aussi justes pour les travailleurs."
Selon une étude réalisée par une commission indépendante, une nouvelle piste à Heathrow permettrait la création de près de 70.000 emplois d'ici 2050 et augmenterait la croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 0,65 à 0,75 point sur la même période, ce qui représenterait une contribution économique de 147 milliards de livres (165 milliards d'euros) sur 60 ans.
3. Sociétale et environnementale
Si la majorité des compagnies aériennes et des groupes privés comme Ferrovial, Qatar Holding, China Investment Corp qui détiennent le capital d'Heathrow sont favorables à son expansion, les riverains quant à eux se sont érigés contre le projet, alors que des avions passent déjà au-dessus de leurs têtes à longueur de journée. Selon eux, cette troisième piste provoquerait une pollution sonore et de l’air inacceptable. Peu de chance néanmoins qu'une révolte similaire à celle de Notre-Dame-des-Landes et ses zadistes ait lieu outre-Manche.
Un plan d'aide à la réduction de la pollution de l'air sera publié. Le ministère des Transports a également précisé qu'il allait proposer la mise en oeuvre de règles contraignantes en matière de nuisances sonores pour apaiser les craintes des riverains de l'aéroport.
Aussi, de fortes compensations financières ont été proposées aux propriétaires par le secrétaire d'État aux Transports, Chris Grayling, dans son discours officiel devant la chambre des communes. Près de 800 maisons seront démolies et 3 750 autres pourront êtres rachetées. Le village de Harmondsworth, devrait être démoli. Selon le Financial Times, le budget total prévu est d'1,68 milliard d'euros.
La piste ne devrait pas voir le jour avant 2025 au plus tôt. Avant que le chantier débute, le dossier d'agrandissement d'Heathrow devrait faire l'objet de plusieurs recours administratifs et juridiques et être soumis au Parlement l'année prochaine, après une consultation publique. L'organisation non gouvernementale internationale Greenpeace s'est d'ores et déjà déclarée "prête à se joindre à quatre municipalités locales, y compris celle de Theresa May, pour déposer un recours contre le feu vert à une 3e piste", selon son directeur exécutif au Royaume-Uni John Sauven.
L'aéroport d'Heathrow en dates :
1946 - Ouverture de l'aéroport d'Heathrow, à l'ouest de Londres.
1968 - L'idée de construire une troisième piste d'atterrissage est évoquée.
2003 - Formalisation du projet : le gouvernement propose de construire une troisième piste à l'aéroport et un sixième terminal.
2006 - Confirmation du projet : le gouvernement confirme son intention de construire une troisième piste.
2007 - Lancement d'une consultation publique.
2009 - Validation du projet par le gouvernement de Gordon Brown.
2010 - Le parti travailliste perd les élections. La nouvelle coalition promet d'annuler l'extension de l'aéroport.
2016 - Le gouvernement conservateur de Theresa May valide la construction d'une troisième piste.
2026 - Date envisagée à laquelle la piste devrait être opérationnelle.
Regardez notre sujet réalisé pour Télématin :
Camille Soligo avec Loic De La Mornais