SERIE: J-4 avant le grand divorce ? Profondément attachée au maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne, Jo Cox faisait campagne dans sa circonscription contre un vote de rupture avec l’Europe. Malgré son assassinat et les témoignages poignants de ses administrés, ils seront nombreux jeudi prochain à voter Leave. Reportage.
Ce dimanche matin, la Grande-Bretagne est toujours en deuil. Les Britanniques pleurent la mort d’une de leurs députées, assassinée devant sa permanence jeudi dernier. Dans les églises du pays, la messe traditionnelle a été remplacée par un hommage national à Jo Cox. Et c’est tout un peuple qui souhaite aujourd’hui honorer la mémoire de cette femme unanimement jugée extraordinaire, et prier pour sa famille.
A Birstall, d’où elle était originaire, l’émotion est évidemment palpable, bien plus personnelle. Ici Jo Cox n’était pas simplement une personnalité locale, elle était une voisine, une connaissance, une amie. Proche de ses administrés, elle était connue et appréciée de tous.
Dans les jours qui ont suivi sa mort, ils étaient nombreux à évoquer leur rencontre aves Jo Cox. Beaucoup ont fait sa connaissance alors qu’elle n’était pas encore leur députée, au cours de sa campagne et de ses nombreuses actions sur le terrain. Pour d’autres, cette rencontre est plus récente, motivée par une requête, une demande d’aide auprès de leur représentante à la chambre des Communes. Une aide chaque fois obtenue. Tous gardent de Jo Cox le souvenir d’une femme d’exception et certains possèdent même sur leur téléphone, une photo prise avec la député.
Pourtant ces mêmes personnes, dont la tristesse et les éloges ne sont ni feints ni intéressés, avouent avoir pris leur décision pour le référendum. Ils voteront pour la séparation de la Grande-Bretagne et de l’Union Européenne, pour la fin de toujours plus d’intégration et pour un retour, ils l'espèrent, à la grandeur d’antan. A l’inverse de leur députée, qui se battait ardemment pour défendre la cause du maintien dans l’UE et qui chaque jour, essayait de convaincre ses administrés des bienfaits de l’Europe, ils n’en voient que les désavantages.
Selon un sondage réalisé pour le gouvernement, le comté du Yorkshire, dans lequel se situe la circonscription de Jo Cox, est divisé sur la question du référendum. Sans être la région la plus eurosceptique de Grande-Bretagne, elle serait néanmoins plus encline à voter pour le Brexit le 23 juin prochain.
Comme dans beaucoup de ces petites villes de la campagne anglaise, la raison première de ce désamour est liée à l’immigration. Dans le Yorkshire, une région de collines et de vallées bien vertes du nord est de l’Angleterre, l’immigration est pour beaucoup, un problème bien réel. 10% de sa population est d’origine étrangère. Pour un peu plus d’un tiers des enfants de primaire, l’anglais n’est pas la première langue. Ils sont originaires de Pologne, de Roumanie et du Pakistan.
La député Jo Cox à droite, aux côtés de son assistante Fazila Aswat
Un mélange de culture qui, selon la BBC, créé parfois des tensions dans la région. Des tensions dont Jo Cox était consciente et qu'elle souhaitait réduire. Son assistante parlementaire et amie, Fazila Aswat, d’origine pakistanaise, est la fille d’un ancien conseiller municipal désavoué par ses électeurs pour cause de blanchiment d’argent. En faisant entrer Fazila dans son cabinet dès son élection l’année dernière, Jo Cox espérait pouvoir effacer les rancunes du passé et construire de meilleures relations communautaires. Malgré ses efforts et la bonne intégration de ces communautés, pour les habitants du Yorkshire, ceux de toujours et ceux qui sont venus s’y établir, l’arrivée de plus d’étrangers doit cesser. Sur place, bon nombre de chauffeurs de taxis indo-pakistanais, pourtant eux même issus de l'immigration, affirment qu'il faut désormais fermer la porte aux immigrés.
Certains imaginent d'ailleurs qu'un Brexit permettrait de régler automatiquement toute la question de l'immigration, oubliant que cela ne "bloquerait" que les ressortissants européens: les indiens, les pakistanais ou d'autres migrants du moyen-orient, d'afrique et d'asie, ne seront pas concernés par le Brexit.
Un euroscepticisme qui a conquis d’autres régions carte postale du pays. L’immigration bien-sûr pour les régions côtières, mais aussi la main mise sur leur souveraineté, le trop d’argent envoyé à l’Europe ou encore les quotas de pêches imposés par Bruxelles, autant de raisons pour les Anglais de vouloir quitter l’Union Européenne. La encore, la question de l'immigration domine la campagne, là encore avec parfois certaines incohérences, comme avec ce pêcheur de Newlyn (Cornouailles) qui trouve qu'il y a trop d'immigrés... alors qu'il est lui même de nationalité portugaise...
Regardez ce reportage réalisé par le bureau de France 2 Londres.
Dans un article publié quelques jours avant sa mort, Jo Cox affirmait comprendre les inquiétudes de ses administrés sur l’immigration notamment, mais tentait de rappeler qu’elle peut aussi avoir un impact positif sur la société et son économie, et qu’une sortie de l’Europe ne changerait pas le problème. Son message ne semble pas avoir été entendu, même après sa mort.
Elise Dherbomez avec Loïc De La Mornais