Pourquoi David Cameron a-t-il attendu avant de s’engager en Irak ?

Après plus de six heures de débats en session extraordinaire, les députés britanniques se sont prononcés en grande majorité cette après-midi en faveur de frappes aériennes visant l’organisation de l’Etat Islamique en Irak. La Grande-Bretagne rejoint ainsi la coalition emmenée par les Etats-Unis, engagée dans la région depuis un mois. Si les sondages montrent que 57% de l’opinion publique soutient une action militaire contre le groupe terroriste, David Cameron a pourtant hésité avant de se présenter devant les parlementaires.

Le parlement britannique s’est prononcé contre une intervention en Syrie il y a un an

Le Premier Ministre britannique a tout d’abord voulu éviter une nouvelle déconvenue. David Cameron n’avait pas réussi à convaincre la Chambre des Communes l’été dernier du bien fondé d’une action militaire en Syrie contre le régime de Bachar Al-Assad. Cette fois-ci, David Cameron est allé chercher le soutien du leader de l’opposition Ed Miliband avant de convoquer les députés. Le parti travailliste considère que la requête actuelle est légitime puisque sollicitée directement par le gouvernement irakien.

La guerre en Irak en 2003 était très impopulaire

David Cameron est soucieux aussi de ménager l’opinion britannique, largement marquée par la guerre en Irak en 2003. Deux millions de personnes avaient manifesté dans les rues de Londres contre l’intervention du Royaume-Uni. Une opposition populaire complètement ignorée par Tony Blair, farouche soutien de George W. Bush dans la coalition contre Saddam Hussein. Une enquête parlementaire a accusé l’ancien Premier Ministre d’avoir ‘induit en erreur les députés’ quant aux objectifs affichés de l’intervention.

Les parlementaires craignent un risque d’enlisement

Les 43 députés qui ont voté contres les frappes aujourd’hui (524 pour) ont fait part de leurs inquiétudes, à l’instar de Diane Abbott : « On a l’impression d’avoir déjà vu le film, et de savoir comment il se termine. » Ces députés dissidents craignent un enlisement de la situation, mais David Cameron a tenu à rassurer : ce vote n’ouvre pas la voie à une ‘occupation militaire’. Surtout, il se défend de marcher dans les traces de Tony Blair : « On ne peut pas laisser les erreurs du passé être une excuse pour l’indifférence ou l’inaction, » a-t-il déclaré cette semaine, lors d’un discours aux Nations-Unies.

L’exécution d’un otage britannique a changé la donne

David Cameron n’avait en réalité, pas d’autre choix que d’agir et de se montrer ferme contre la menace des djihadistes. L’assassinat du britannique David Haines, un travailleur humanitaire otage du groupe Etat Islamique, a eu ici l’effet d’un électrochoc. Dans une interview accordée à ITV News, sa fille aînée appelle à ‘l’éradication’ du groupe terroriste : « On doit les arrêter. S’il faut bombarder et envoyer des troupes, et bien qu’ils le fassent. » Deux autres otages britanniques, John Cantlie et Alan Henning, sont encore aux mains du groupe Etat Islamique. Le basculement de l’opinion publique a certainement renforcé les convictions du Premier Ministre et lui a donné l’assurance qui lui manquait pour proposer un vote au parlement.

Si le vote aujourd’hui ne concerne que des frappes en Irak, Philip Hammond, le ministre des Affaires Etrangères, avait dores et déjà annoncé ce matin que le gouvernement britannique n’excluait pas d’étendre leur action en Syrie ‘si les circonstances le justifient’, tout en précisant qu’un nouveau vote du Parlement serait indispensable. Le gouvernement britannique avance, mais avec prudence.

Rebecca Suner, Elise Dherbomez avec Loïc de La Mornais