Les agents plus tout à fait secrets de sa Majesté

C'est une première dans le monde de l'espionnage. L'identité de deux agents britanniques vient d'être rendue publique à la demande de la justice. Scotland Yard n'a pu garder ce secret plus longtemps. Les officiers concernés ont chacun conçu un enfant avec une femme qu'ils avaient pour mission de surveiller. Une infiltration poussée à l'extrême.

Dans la vraie vie aussi, il arrive parfois que des agents infiltrés se lient intimement aux "cibles" qu'ils ont la charge de surveiller. James Bond n'en aurait donc pas l'exclusivité. Bob Lambert et Jim Boyling ont tous deux entretenu une relation avec une, voire plusieurs femmes alors qu'ils étaient placés sous couverture par les services de la police britannique.

Chargé de pénétrer des groupes d'activistes dans le domaine environnemental et de défense des droits des animaux entre 1984 et 1988, Bob Lambert a entretenu des liaisons avec quatre femmes en se faisant passer pour un militant de gauche du nom de Bob Robinson. Avec l'une d'elle, l'agent a eu un fils qu'il a abandonné peu après sa naissance. Jim Boyling pour sa part, plus connu entre 1995 et 2000 sous le nom de Jim Sutton, s'est marié et a eu deux enfants au cours d'une mission, le tout sans jamais révéler sa véritable identité. Tous deux faisaient partie de la "Special Demonstration Squad" – à l'origine de l'infiltration de centaines de groupes politiques entre 1968 et 2008.

Plusieurs de ces femmes avaient depuis saisi la justice et réclamé que soit divulguée l'identité du père de leur enfant. Leur avocat, Maître Harriet Wistrich, a basé son plaidoyer sur le traumatisme moral infligé par la découverte de la double existence menée par ces hommes avec lesquels elles ont construit une relation sur plusieurs mois.

La décision aujourd'hui de la Haute Cour de justice de leur donner satisfaction place évidemment Scotland Yard dans l'embarras. Pour sa défense, la police britannique assure que les deux hommes ont, en tout état de cause, "violé les consignes officielles" qui stipulent que les agents infiltrés ne doivent pas nouer de relations "impliquant un engagement émotionnel" avec des personnes lors de leur mission.

Pour ces femmes trahies, c'est une première victoire, mais leur combat judiciaire n'est pas pour autant terminé. Une dizaines d'entre elles souhaitent toujours que Scotland Yard soit reconnu coupable du préjudice causé.

Ces relations, bien que proscrites, semblaient pourtant fréquentes. L'an passé déjà, un groupe de femmes affirmaient avoir eu des relations sexuelles avec un officier sous couverture, Mark Kennedy. Ce dernier avait infiltré divers groupes environnementaux pendant sept ans avant que son identité ne soit compromise. Contrairement au personnage de Ian Fleming, les liaisons interdites de ces infiltrés ne resteront pas sans conséquences.

Elise Dherbomez avec Anne-Charlotte Hinet