Après les soupçons de corruption pour l'attribution du Mondial 2022, le Qatar fait l'objet d'une nouvelle polémique: la presse britannique révèle que les travailleurs migrants qui construisent les futurs stades et bureaux n'auraient pas été payés depuis plus d'un an.
Ils viennent du Népal, du Sri Lanka ou encore d'Inde. Ils ont construit la tour Al Bidda à Doha - surnommée la Tour du football - dont les 38e et 39e étages sont occupés par les organisateurs de la Coupe du Monde. Depuis treize mois, ils attendent toujours leur paie. Cette situation alarmante vient d'être dénoncée par le journal britannique The Guardian.
Verre gravé, mobilier italien fait main, toilettes chauffées, rien n'est trop beau pour ces bureaux. Mais la rémunération de certains travailleurs migrants sur le chantier est passée aux oubliettes. Ils sont supposés être payés environ 7,5 euros par jour - une somme dérisoire par rapport aux sommes investies dans cet aménagement luxueux . Les plaintes déposées auprès des autorités qataries n'y ont rien changé. Les journalistes du Guardian ont rencontré Ram, Népalais de 26 ans, qui explique avoir eu recourt à 15 reprises à l'équivalent du tribunal des prud'hommes au Qatar, sans résultat probant. Chaque tentative lui a valu deux jours de salaire, le temps de se rendre sur place. Il ne peut plus se permettre de payer un trajet supplémentaire et est sur le point de lâcher prise. "Nous ne savons pas combien d'argent est dépensé pour la Coupe du Monde, mais nous avons avons juste besoin de recevoir nos salaires", a déclaré celui qui n'a pas été payé depuis un an.
Pas d'eau sous 55 degrés
Les conditions de travail de Ram et de tant d'autres migrants dans la même situation sont déplorables : ils partagent des chambres à sept, dorment sur des matelas sales et fins, à même le sol. Leur sort est même contraire au droit du travail en vigueur dans l'émirat. "Je suis allé sur place, ils n'avaient même pas d'eau et ils travaillaient sous une chaleur de 55 degrés parce qu'il n'y avait pas de climatisation", révèle une source qui a eu accès au chantier. Les migrants vivent dans la peur constante, car leur employeur, Lee Trading, a fait faillite. Et aujourd'hui, ils n'ont légalement pas le droit de travailler pour une autre entreprise. "Je travaillais très dur mais à la fin de la journée, je ne recevais rien. Maintenant, on travaille illégalement. C'est très dangereux. Si la police débarque et que nous n'avons pas de carte d'identité, ils nous mettront en prison", explique Krishna, un autre Népalais. Pour parfaire cette situation ubuesque, leurs passeports ont été saisis à leur arrivée au Qatar, de telle sorte à les dissuader de s'échapper. Alors, pour subsister, leurs familles restées au pays n'ont eu d'autre choix que de souscrire à des prêts, malgré des taux d'intérêt très élevés.
"Je suis malheureux, avoue un autre travailleur, Shanbu. Ma famille me demande de rentrer s'il n'y a pas de bon travail ici et de postuler dans d'autres pays. Je regrette d'être venu. L'argent que je gagne ici, j'aurais pu le gagner au Népal." Avant la fin de l'année, plusieurs centaines de milliers de travailleurs supplémentaires sont attendus au Qatar afin de construire les infrastructures nécessaires à la Coupe du Monde. Le Guardian tranche : "L'extraordinaire ambition de ce pays du Golfe est rendue possible par l'exploitation d'une partie des personnes les plus pauvres du monde." Ou quand le rêve de la Coupe du Monde devient cauchemar.
Céline Schoen avec Loïc de La Mornais