Sur les berges du plus grand lac d’Écosse, le Loch Ness, un microcosme s’agite autour de l’existence ou non d’un monstre. Certains n’ont aucun doute, d’autres veulent s’en persuader – et profiter des bénéfices touristiques qui découlent du mythe. Portraits de 5 passionnés, qui ont donné à Nessie une place de premier choix dans leur vie.

"Chaque lac a son monstre." Cette croyance populaire berce l’Écosse et ses habitants. Mais dans le pays du kilt et du whisky, un "loch" a pris le pas sur tous les autres : le Loch Ness, qui abriterait la célèbre Nessie (allez savoir pourquoi, tous assurent que c'est une fille !)

Plus d’un million de touristes s’y rendent chaque année, souvent animés par l’espoir indicible d’y croiser une quelconque créature. Gros esturgeon ou vieux dinosaure, long serpent ou petite créature écailleuse, le monstre du Loch Ness continue de questionner et de fasciner - certains plus que d'autres...

Adrian Shine, le savant un peu fou

Sa longue barbe grise et ses yeux plein de malice lui donnent un air de professeur Tournesol... Adrian Shine a délaissé son Angleterre natale en 1973 pour le plus fascinant lac du Royaume-Uni. A l'école, sa maîtresse lui avait parlé du monstre; depuis ce jour, il a su qu'il devait élucider le mystère qui entoure le Loch Ness. A Drumnadrochit, il a ouvert un musée entièrement dédié au lac et à la créature qui pourrait y habiter. Adrian Shine n'a jamais quitté des yeux son objectif, et cette créature, il a fait tout son possible pour la trouver.

Il a notamment construit une drôle de bulle submersible mais étanche dans laquelle il s’est enfermé avant de couler au fond de l'eau, espérant que le monstre confonde la structure avec de la nourriture!! L’expérience s’est révélée être un échec, mais Adrian Shine n’a jamais mis un terme à ses recherches.  "Si créature il y a, elle doit être totalement aquatique, sinon elle remonterait régulièrement à la surface, énonce-t-il, très sérieux. Et elle doit être végétarienne, car il n’y a pas suffisamment de nourriture pour permettre à un quelconque animal de subsister."

 

George Edwards, le skippeur sournois

George Edwards, skippeur qui promène inlassablement, chaque jour, les touristes sur le loch à bord de son bateau estampillé "Nessie Hunter", n'aime pas beaucoup Adrian Shine. La pomme de discorde ? L’éternelle question de l’existence du monstre. Adrian Shine a osé émettre l’hypothèse suivante : Nessie ne serait qu’un gros poisson. Pas de Nessie ? Selon George Edwards, cette présomption est… monstrueuse. "Si on dit qu’il n’y a rien dans l’eau, personne ne voudra venir voir le Loch Ness, s’agace le skippeur. Adrian Shine est un scientifique autoproclamé qui n’y connaît rien. Et il n’est même pas écossais !" George Edwards est allé jusqu’à envoyer une lettre à la Chambre de commerce locale accusant Adrian Shine de tuer, par le biais de ses élucubrations, le potentiel touristique du lac.

Adrian Shine lui rend bien la pareille. "Edwards est un voyou !", s'exclame-t-il. Il fait référence à une grandiose imposture orchestrée par George Edwards. Ce dernier n'a en effet pas hésité à placer à la surface du lac un moule en plastique et à le photographier.

Dans un premier temps, il clamé avoir vu le monstre, et en détenir la preuve. Il a juré que l’image était authentique, avant de finalement avouer son canular. "Il faut bien entretenir le mystère", se justifie celui qui se vante de raconter les plus fantastiques histoires à propos de Nessie. Même si - c'est un comble - le skippeur avoue qu'il n'est pas sûr que le lac soit habité.

 

Steve Feltham, le moine passionné

Steve Feltham a dédié sa vie à la résolution du mystère du Loch Ness. Il a laissé derrière lui sa vie de famille pour venir s’installer au bord du loch écossais. En 1991, il a garé son van au bord de l’eau et n’a plus bougé. Il a aménagé son engin afin de pour pouvoir y vivre, et depuis, il attend. Il observe. Il scrute. Ses jumelles restent toujours à portée de main. Une fois, il a vu quelque chose. Un monstre ? Peut-être. Lui-même ne sait pas très bien.

Sa sincérité est émouvante. Lorsqu'il scrute le lac, il s'exclame, le plus naturellement du monde : "C'est mon église à moi !" Steve Feltham - tout le monde s’accorde à le dire - est un homme honnête. Un vrai, un pur chasseur de Nessie. Steve Feltham habite avec son chat sur la rive ouest du lac, aux abords de la petite bourgade de Dores. Il est ravi d’avoir élu domicile à l’opposé de Drumnadrochit, la principale ville qui borde le loch, concentre les activités touristiques – musée dédié au monstre, parc à thème, innombrables bed & breakfasts et autres croisières -  et est le théâtre de la guéguerre entre Adrian Shine et George Edwards.

C'est Steve Feltham qui a percé le canular de George Edwards : il a récupéré la maquette utilisée pour prendre la photo, expliquant qu'elle avait été utilisée durant le tournage d'un film consacré au lac.

Gary Campbell, le président du fan club de Nessie

Gary Campbell est de ces hommes qui n'ont pas peur de rêver, de croire aux légendes. Pour lui, aucun doute, il y a quelque chose dans le lac. Il est le président du fan club du monstre du Loch Ness, qui recense sur Internet toutes les apparitions de Nessie.

Son travail l'obligeant à voyager souvent, il reste somme toute assez éloigné des conflits entre chasseurs de Nessie. Très affable, il en rigole bien volontiers. Mais en parlant de Steve Feltham, Gary Campbell retrouve son calme. Il affirme qu'"il a joué de malchance". Il espère sincèrement que Steve Feltham verra le monstre ; "il le mérite", affirme-t-il.

Travaillant pour l'université d'Inverness, Gary Campbell a un "vrai travail"...autrement dit, bien que passionné il n'a pas que Nessie dans sa vie. Cela lui permet sans doute de prendre un peu de distance. Même si lui veut croire au monstre, il recense toutes les observations et en "élimine" méthodiquement la plupart, disant aux témoins qui lui envoient "LA" photo: "désolé mon gars, c'est un canard, un cerf qui nage, une vague de bateau"...

Val Moffat, la locale qui a vu le monstre

Val Moffat habite sur les hauteurs du lac depuis 23 ans, juste en face du spectaculaire château d'Urquhart, dont les pierres grises sont léchées par l'eau fraîche. Elle a vu Nessie deux fois - la première au début des années 90 et la deuxième au début des années 2000. Dans le cadre d’une interview, les journalistes de la chaine britannique Channel 4 l’ont soumise à un détecteur de mensonges, qui a certifié qu’elle disait la vérité. Cette expérience l'a beaucoup marquée : "C'était très important, enfin, finalement, on me croyait" sourit-elle.

Pour décrire sa "rencontre" avec Nessie, Val Moffat évoque le film Loch Ness, qui date de 1996. Elle révèle que la créature qu'elle a aperçue ressemble beaucoup à celle imaginée par le réalisateur Jon Henderson... Val Moffat espère pouvoir croire en l'adage "jamais deux sans trois". C'est l'une des rares à apporter son soutien à George Edwards. Selon elle, c'est à bord de son bateau que l'on jouit des balades les plus agréables sur le lac. Seuls les visiteurs en jugeront. Car dans le fond, chasser Nessie, n’est-ce pas avant tout pourchasser les touristes ?

Tous se partagent le même lac... et le même mystère :

Céline Schoen avec Loïc de La Mornais

Conseils pratiques pour visiter le Loch Ness :

L’aéroport le plus proche du Loch Ness est celui d’Inverness, ville d’environ 62 000 habitants située à l’extrémité nord du lac, au nord de l'Ecosse. Quelques vols directs depuis Londres, 1h20 de vol.
Pour rejoindre Drumnadrochit, suivre la A82 vers le sud. Sur la route qui longe les berges du lac, le restaurant de l’hôtel Clansman offre une vue imprenable sur l’eau.
Entre l’hôtel Clansman et Drumnadrochit s’élève le Loch Ness Lodge. C’est depuis ce luxueux établissement que beaucoup disent avoir aperçu Nessie.
A Drumnadrochit, le Loch Ness Centre & Exhibition de Drumnadrochit est ouvert tous les jours de 9h30 à 17h. L’entrée adulte coûte 7,45 livres (environ 10 euros). La visite se veut ludique et interactive et revient sur le mystère qui entoure l’endroit ainsi que les recherches scientifiques réalisées pour tenter de le percer. Ne pas manquer la statue de Nessie, qui émerge d’une petite mare au bout du parking.
Un peu plus au sud de Drumnadrochit, le château d’Urquhart offre une vue spectaculaire sur le lac. Il faudra débourser 7,5 livres pour le visiter.
A Dores, sur la rive ouest du lac, Steve Feltham vend des statuettes du monstre qu’il réalise lui-même. La plage près de son van, à côté de la Dore’s Inn, est charmante et idéale pour un pique-nique durant une journée ensoleillée.
Pour partir à la recherche de Nessie, rien ne vaut un tour en bateau, avec sonar de recherche pour traquer tout mouvement suspect sous l'eau... Les réservations à l’avance sont conseillées, notamment sur les petites embarcations.