Thierry Noir est considéré comme le premier artiste à avoir peint le mur de Berlin en 1984. Un acte contestataire, illégal et dangereux à l’époque. Alors que le 9 novembre prochain marquera le 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin – symbole le plus visible et marquant de la guerre froide –, l'artiste expose pour la première fois en solo à Londres.
« Le mur était en face de chez moi. C’était une vie triste, une mélancolie au jour le jour. Il ne se passait rien du tout, » explique Thierry Noir. « J’ai décidé de peindre le mur pour changer cette tristesse insupportable. »
Même si l'artiste originaire de Lyon exécute ses fresques côté Ouest, peindre le mur est interdit et il est surveillé de près par les gardes allemands. Autour de certains endroits névralgiques comme Checkpoint Charlie, fortement gardés, peindre est très risqué.
A la chute du mur, les peintures de Thierry Noir sont devenues un emblème de la liberté retrouvée en Allemagne. Pourtant, expatrié depuis 32 ans à Berlin, l'artiste est assez peu connu en France.
Il nous a accordé une interview au vernissage de son exposition :
Le Berlin des années 80 était une véritable source d’inspiration pour les artistes : David Bowie et Lou Reed, entre autres, y ont séjourné. Noir s’installe dans un squat en face du mur, et commence à le peindre tous les jours. Pour subsister, il vend quelques toiles dans les restaurants et vole de la peinture sur les chantiers alentours.
Noir combat l’influence soviétique avec ses coups de pinceaux aux couleurs vives et au style cartoonesque. Sa technique minimaliste s’est adaptée à ces circonstances particulières : sous la surveillance des Grepo – police de frontière allemande qui gardait le mur – il faut être rapide pour ne pas éveiller les soupçons.
Il lui faut aussi faire face à l’incompréhension des Berlinois, qui voient d’un mauvais œil le geste de l’artiste : « Il fallait expliquer aux passants que je n’essayais pas de le rendre beau – c’était impossible, même en peignant des kilos et des kilos de peinture, le mur n’aurait jamais été beau. Ce n’était pas une œuvre d’art, c’était une machine à tuer. »
« Il y avait comme un tabou à l’époque autour du mur : les artistes allemands ne le peignaient pas. C’était un peu le ‘mur de la honte’. »
« Petit à petit, une nouvelle époque est arrivée avec Gorbatchev à la tête de l’URSS, et la sortie du film de Wim Wenders ‘Les Ailes du Désir’ qui a ouvert les yeux aux Berlinois sur leur rapport au mur [et où l’on aperçoit Noir peignant]. »
En 1989, France 2 avait déjà interviewé Thierry Noir devant le mur de Berlin:
Aujourd’hui, le graffiti est reconnu comme art à part entière. L’art de rue s’expose en intérieur, dans les galeries, et est très prisé des collectionneurs : les dernières toiles de Thierry Noir se vendent entre €6000 et €7500. Et ce n’est rien à côté du britannique Banksy, dont les œuvres atteignent une valeur à hauteur d’un million de dollars : sa célèbre ‘cabine téléphonique détournée’ est partie pour €450,000 à une enchère en 2008.
Thiery Noir : A Retrospective – du 4 avril au 5 mai, à la galerie Howard Griffin, 189 Shoreditch High Street, E1 6HU, London.
Rebecca Suner avec Loïc de La Mornais
Suivez nous sur Facebook et nos reporters sur Twitter :