L’annonce a dû jeter un froid lors du gala qui réunissait l’Establishment londonien à la résidence du maire de la City. Ce soir-là, George Osborne, l’équivalent britannique de notre ministre des Finances, a annoncé qu’il entendait mettre en œuvre au Royaume-Uni le cloisonnement des activités de détail et d’investissement des banques. En clair, les obliger à isoler leur activité de prêt de leur activité de spéculation, plus rémunératrice mais aussi plus risquée. De 2007 à 2009, le Royaume-Uni avait dû renflouer, comme dans la plupart des pays européens, ses banques « too big to fall », trop grandes pour qu’on les laisse tomber, fragilisées par leurs prises de risques inconsidérés. La mise en œuvre de ce plan de sauvetage s’est soldé par le creusement significatif du déficit public, passé de 3% du PIB en 2007 à près de 11% en 2009.
Après la mise en œuvre d’un plan d’austérité sans précédent depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale, l’annonce par le gouvernement de cette mesure-phare de la commission chargée de tirer les leçons de la crise financière semble être un gage donné à l’opinion publique britannique. Il convient néanmoins de rester prudent à ce stade car la séparation envisagée par le chancelier de l’Echiquier n’est que partielle : les banques ne devront que disposer de filiales distinctes, dotées de leurs propres réserves de capitaux. On est loin de la séparation totale du Glass-Steagall Act, imposée aux Etats-Unis après la crise de 1929 et qui imposait aux banques de choisir exclusivement l’une ou l’autre des activités. Ce dispositif sera définitivement supprimé soixante ans plus tard, les autorités américaines ayant cédé face au puissant lobby des marchés financiers…
D’ailleurs les représentants des banques anglaises avaient prévenu qu’ils quitteraient purement et simplement le Royaume-Uni si une telle séparation totale leur était imposée. Ils peuvent à présent souffler … Comment peser face à une industrie si puissante ? Tel est le dilemme du gouvernement britannique : éviter à l’avenir que le contribuable fasse à nouveau les frais des errements des banquiers tout en prenant grand soin de ne surtout pas brider une industrie qui représente à elle seule plus de 70% du PIB du pays. La première place financière d’Europe entend bien le rester.
Stéphane Guillemot