Le compromis franco-allemand sur la taxation des géants du numérique est particulièrement byzantin : Paris et Berlin "appellent les pays de l'UE à adopter le projet de directive au plus tard en mars 2019, pour une entrée en vigueur en 2021, si aucune solution internationale (dans le cadre de l'OCDE) n'est trouvée d'ici là". Si les 28 états membres donnaient leur feu vert au printemps prochain, à quelques semaines des élections européennes, l'UE disposerait donc d'une directive provisoire, dont l'entrée en vigueur effective serait liée à la conclusion d'un accord plus large.
Un repli élastique, qui satisfait en partie la Commission européenne, qui ne souhaitait pas proposer un nouveau texte. Pourtant, l'assiette choisie par le Commissaire chargé de la fiscalité, Pierre Moscovici, était plus large que celle du texte de compromis. La Commission de Bruxelles proposait notamment de taxer la vente des données, mais aussi les plateformes et les éditeurs de service.
Une approche, plébiscitée aussi par l'ONG AVAAZ qui a remis, le mardi 8 décembre, à Pierre Moscovici, une pétition signée par 700.000 citoyens européens, exigeant une taxe sur les géants du numérique.
Coté français, on s'efforce de faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Ambition revue à la baisse, pour Bruno Le Maire, qui accepte une version édulcorée de son projet, plutôt que de risquer un échec. En toile de fond, malgré l'affichage développé par les ministres allemand et français, sous forme de conférence de presse commune, le moteur franco-allemand est grippé. Face à la pression française, Berlin a accepté de lâcher du lest et de taxer le chiffre d'affaire des GAFA, mais la volonté politique visant à entrainer le reste de la machine européenne, reste faible. Merkel est empêchée et Macron enlisé.
A son arrivée à l'Eurogroupe, le lundi 4 décembre 2018, le ministre français savait déjà qu'il devrait jeter l'éponge. Quatre pays au moins, trainaient les pieds et l'idée de souveraineté européenne, chère à Paris, reste dans le domaine de la fiscalité, un vœu pieux.
P. Verdeau