La réforme de la procédure de Dublin est elle morte ?

Des migrants équipés de gilets de sauvetage transférés sur "l'Aquarius", aux abords des côtes lybiennes, le 12 mai 2018. (LOUISA GOULIAMAKI / AFP)

La procédure de Dublin, qui détermine l'État membre responsable d'une demande d'asile dans l'UE est au coeur de vifs débats à Bruxelles. Depuis le 6 avril 2016, l’exécutif de Bruxelles tente de réformer la procédure, et d’en proposer une quatrième version.

Qu’est ce que la procédure de Dublin ?

C’est une procédure européenne qui contraint un migrant à déposer sa demande d’asile dans le premier pays où il est entré et a été enregistré. Si ce réfugié veut se rendre dans un autre pays, ce pays a le droit de le renvoyer vers le premier pays.

Un migrant qui se trouve en France mais qui a été contrôlé ou a fait sa demande d'asile en Italie doit donc, en théorie, être renvoyé vers l'Italie. Le premier pays d’entrée est le pays responsable de l’examen de la demande d’asile. Le problème, c’est qu’avec la crise migratoire, le système implose et fait porter la responsabilité de l’accueil des migrants sur les Etats situés aux frontières de l’UE, en particulier la Grèce et l’Italie, qui se sentent débordés et renoncent à enregistrer les réfugiés.

Pourquoi l’UE veut la réformer ?

Au plus fort de la crise migratoire en 2015, l’afflux soudain et massif de migrants avait révélé les failles du système de Dublin, qui faisait peser une pression démesurée sur les pays de "première entrée", qui demandent plus de solidarité des pays membres.

En quoi consiste la réforme ?

Le principe n’est pas modifié, mais en cas de dépôt massif de demandes d’asile dans un seul État membre, le nouveau système permettra de répartir les demandeurs d’asile dont le nombre dépasse la capacité d'absorption de ce pays, entre tous les Etats membres qui ne sont pas confrontés à une pression excessive.

La Commission européenne suggérait d’instaurer un “mécanisme correcteur” des quotas de répartition en Europe. En clair, mieux répartir les migrants en Europe afin d’alléger la pression subie par certains pays. Bruxelles propose de généraliser les quotas et de répartir les migrants en fonction de critères objectifs (la taille de la population et le produit intérieur brut du pays). Si les Etats ne respectaient pas ces quotas, les versements des fonds structurels et d’investissement européens seraient suspendus.

Où en est la réforme ?

Le 16 novembre 2017, une large majorité de parlementaires a voté en faveur d’une meilleure répartition des demandeurs d’asile qui pourraient rejoindre en priorité des pays avec lesquels ils ont tissé des liens, dans lesquels ils ont de la famille par exemple. La responsabilité ne reposerait donc plus sur les seuls pays frontaliers.

Mais pour réformer la procédure de Dublin, le Parlement doit trouver un accord avec tous les Etats membres. Seulement, après trois ans de discussions, ils sont toujours divisés. Les ministres chargés de l’immigration, réunis en Conseil le 5 juin n’ont pas trouvé d’accord.

Face à cet échec, l'Autriche, qui prendra la présidence du Conseil de l'UE en juillet, a fait part de son intention de ne pas poursuivre les travaux à ce sujet.

La réforme de la procédure de Dublin est "morte", a estimé mardi 5 juin le secrétaire d'État belge à l'Asile et la Migration Theo Francken (N-VA), après un échange avec ses homologues européens à Luxembourg. "Il n'y a pas de base suffisante pour poursuivre la discussion sur la réforme de Dublin. Plusieurs pays ont exprimé des réticences importantes" lors du Conseil, a-t-il expliqué.

EMMANUEL DUNAND / AFP

L'Italie, dont le nouveau gouvernement est ouvertement anti-immigration, s'est notamment opposée avec force contre le texte de compromis. Le gouvernement de Giuseppe Conte reproche aux Etats membres leur manque de solidarité. Le premier ministre italien demande un “dépassement” de la logique de Dublin, dans le but de mettre en place un “système automatique de relocalisation obligatoire des demandeurs d’asile”.

L'Allemagne, l’Estonie, Lettonie, la Lituanie ou encore les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque) se sont aussi opposés au texte et dénoncent toute imposition de quotas depuis Bruxelles.

Et la suite ?

Sans compromis lors du Conseil de ce mardi 5 juin, Donald Tusk, président du Conseil européen décidera de la façon dont le sujet sera abordé lors de la prochaine réunion des chefs d’Etat et de gouvernement, les 28 et 29 juin.

En réunion informelle à Innsbruck en Autriche les 12 et 13 juillet, les ministres européens devraient plancher sur une “nouvelle perspective” pour le débat migratoire européen, notamment sur le renforcement des frontières extérieures et le combat contre la migration illégale. Ils ne devraient en revanche pas discuter de la réforme de Dublin.

N. El Asraoui et V. Lerouge