La victoire du OUI au référendum en Turquie renforce les pouvoirs du Président Erdogan, et embarrasse l’Union européenne. A cette occasion, coup de projecteur sur les mécanismes sensibles qui régissent les relations entre l’UE et ses différents voisins : la Politique Européenne de Voisinage (PEV).
Par définition, la PEV s’applique à tout pays qui partage une frontière maritime ou terrestre avec un Etat membre de l’Union européenne (UE). Cependant, aujourd’hui, seulement 12 pays européens et méditerranéens profitent d’une relation privilégiée avec l’UE. Des pays tels que la Syrie et la Libye dans un chaos politique total, ou la Biélorussie qui évolue dans un pouvoir autoritaire, ne sont pas éligibles pour des négociations.
Concrètement, la PEV s’impose aujourd’hui comme une structure de contacts étroits, d’accords bilatéraux qui s’articulent autour de l’adhésion à des valeurs mutuelles telles que : la démocratie, l’état de droit, la bonne gouvernance, les principes d’une économie de marché et du développement durable.
L’importance de ces relations, entre l’UE avec ses pays voisins n’est pas chose nouvelle pour les dirigeants européens. Ces liens deviennent encore plus cruciaux face aux défis actuels : la crise des migrants déstabilise toujours plus le bassin méditerranéen, le vote turc sur la réforme constitutionnelle jette un coup de froid supplémentaire entre Bruxelles et Ankara, et l’annexion de la Crimée en Ukraine par la belligérante Russie représente toujours un acte de violation pour la communauté internationale… Pour la Commission, il semble primordial de maintenir une sorte de politique de « containment » en stabilisant ses voisins. C’est d’ailleurs pour cette raison que la « Politique européenne de voisinage » a évolué depuis sa naissance en 1995, connu sous le nom de Processus de Barcelone, pour devenir aujourd’hui un ensemble puissant de liens bilatéraux stratégiques. Il est d'ailleurs important de dissocier les accords menant à une adhésion, dans le cadre de la politique d’élargissement de l’UE, et la politique de bonne entente de la PEV.
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Face à la menace, une nouvelle approche de partenariat
Dans la vague du Printemps arabe qui avait secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient en 2011, l’UE avait sensiblement revu sa politique dans le but de promouvoir au maximum des transitions démocratiques durables. Cependant, après une série d’attentats en 2015, la PEV prend subitement une autre direction, comme l’expliquait Fédérica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne : « À l'heure où les défis se multiplient à l'intérieur de nos frontières et au-delà, il est important pour l'Union européenne de renforcer son partenariat avec ses voisins. […] C'est là précisément l'objet du présent réexamen de la PEV ». La Commission et le Service européen pour l’action extérieure prêchent alors pour une coopération croissante avec les pays voisins pour garantir une plus grande sécurité. Parallèlement, le Parlement européen propose une approche « plus flexible, stratégique, personnalisée et cohérente ». De la sorte, la PEV travaillerait au cas par cas avec chaque pays afin de dessiner des partenariats adaptés aux défis de chacun.
La PEV est devenue par la force des événements une vraie priorité pour l’UE, comme le soulignait le commissaire européen, Johannes Hahn : « Notre défi le plus urgent est la stabilisation de notre voisinage. » Il est cependant légitime de questionner les réelles motivations d’un tel rouage politique. L’UE cherche-t-elle à créer une réelle prospérité et une stabilité chez ses voisins dans un souci d’intérêt commun, ou s’assure-t-elle simplement d’une sécurité à ses propres frontières ? De plus, défendre les valeurs européennes à l’étranger peut aussi paraitre quelque peu risible pour Bruxelles. Pour rappel, certains Etats membres sont actuellement en train de se jouer dangereusement des principes d’un Etat de droit.
L’artillerie lourde a cependant été débloquée. En effet, pour mener à bien les politiques extérieures, un fond d’investissement européen conséquent de 15,4 milliards d’euros a été alloué par l’UE pour la période de 2014 à 2020. Cet argent sert par exemple, à réformer le secteur de la justice en Géorgie pour environ 170 millions d’euros, ou à promouvoir l’énergie renouvelable en Jordanie pour la bagatelle de 195 millions d’euros. Des projets donc audacieux, mais efficaces selon Bruxelles.
Guillaume Mercier & Valéry Lerouge