Le jeudi 22 mars, la Belgique commémorait les deux ans des attentats de Bruxelles, ayant fait 32 morts. Parmi les trois terroristes kamikazes, l’un d’entre eux, Najim Laachraoui était revenu de Syrie quelque temps auparavant… Comment ces « returnees », des combattants ayant fait leurs armes auprès de l’État Islamique et revenant en Europe, sont-ils pris en charge à leur retour ?
Le déclin de Daech, principalement en Syrie et en Irak, rend la question de la gestion des « revenants » de plus en plus pressante. Bon nombre de spécialistes dans la lutte contre le djihadisme voient la problématique comme étant le plus grand défi actuel en Europe.
Djihadistes : victimes ?
Depuis 2014, le Danemark mise sur un programme de prévention. Les djihadistes qui reviennent au pays sont avant tout considérés comme des victimes, et ont l’opportunité de s’inscrire à un programme de déradicalisation. Selon Esther Benbassa, il y a dans les pays du nord de l’Europe une volonté de prôner le dialogue et d’offrir l’opportunité aux revenants d’être réellement réintégrés. Une fois de retour, l’État les aide donc dans leurs démarches pour chercher un logement et un emploi. Ils bénéficient en outre, d’une prise en charge médicale et psychologique gratuite.
La France en retard
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 302 anciens djihadistes seraient revenus sur le territoire français. Parmi eux, 178 hommes (dont 120 écroués), 66 femmes (dont 14 écrouées) et 58 mineurs, la plupart de moins de 12 ans. Mais la France parvient-elle à gérer correctement ce flux de revenants ? Selon un rapport sénatorial, nommé « désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en Europe », le retard de la France en matière de déradicalisation est pointé du doigt. La sénatrice écologiste Etsher Benbassa dénonce le « fiasco français », dû au fait d’avoir tardé à comprendre l’enjeu d’un accompagnement individuel. « On s’est privé de toute évaluation individuelle fiable » relève-t-elle dans une interview accordée au Parisien. Ainsi, certains détenus ne comprennent pas pourquoi « ils sont mêlés à des personnes très engagées dans un processus violent ».
Allemagne : pas de prison d’office
À la différence de la France, l’Allemagne n’emprisonne pas obligatoirement ses « returnees ». Sur les 960 djihadistes allemands partis en Irak et en Syrie, un tiers de ces individus sont aujourd’hui de retour. Si 80 d’entre eux ont été emprisonnés, entre 200 et 220 djihadistes seraient rentrés chez eux. Pour incarcérer ces « revenants », il faut que les autorités allemandes détiennent une preuve concrète de leur implication au combat. Retour au pays n’est donc pas synonyme de bagne pour les djihadistes allemands. Mieux encore, pour faire face au problème de radicalisation, des travailleurs sociaux et psychologues sont chargés d’accompagner les djihadistes à leur retour. Le but premier de ce suivi est de pouvoir conseiller les familles sur leur manière d’agir avec ceux qui sont rentrés.
La Belgique ne compte pas déradicaliser
Quand ils reviennent en Belgique, les djihadistes passent obligatoirement par la case prison. Selon une étude de l’institut Egmont (institut Royal des Relations Internationales), il y aurait 115 returnees présents en Belgique, 91 hommes et 24 femmes. Parmi eux, 44 seraient actuellement en prison. Mais les prisons n’ont pas fonction de déradicalisation, parfois bien au contraire. Selon l’OCAM (Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace), 40% des personnes qui sortent de prison restent hautement radicalisées. Les autorités belges sont néanmoins conscientes du problème, et tentent de mettre en place des solutions. Depuis deux ans, le personnel pénitencier est formé à un programme d’accompagnement individualisé pour chaque détenu radicalisé et pour les personnes revenant de Syrie ou d’Irak. Le but de ce programme n’étant pas de déradicaliser le détenu, car en Belgique, le choix a été fait de ne pas vouloir à tout prix changer leur idéologie, ni de les faire passer d’un islam fondamental vers un islam plus modéré, mais bien de travailler sur le désengagement. De sorte à ce qu’une fois sortie de prison, la personne abandonne toute idée de violence comme moyen de promouvoir leurs idées.
La menace est-elle encore sérieuse ?
Le déclin progressif de Daech a laissé supposer que l’on pouvait s’attendre à un retour massif des combattants d’Irak et de Syrie. Mais contrairement aux attentes, les « returnees » se font plus discrets aujourd’hui qu’il y a quelques années. En cause justement, les défaites successives de l’État Islamique. En effet, nombreux sont les combattants ayant reçu l’ordre de se battre jusqu’à la mort. Ils préfèrent donc mourir au combat plutôt que de rentrer. Si l’on craignait que certains soient renvoyés en Europe pour continuer à propager la terreur, il semblerait que l’organisation ait préféré essayer de préserver son territoire et donc de le défendre.
Cependant, moins de retours sur le sol européen ne veut pas dire moins de risques pour autant. En effet, la vingtaine d’attaques terroristes ayant eu lieu en Europe occidentale en 2017, a été menée par les « Homegrown Terrorist Fighters », des gens qui s’identifient à l’État Islamique essentiellement par leur idéologie, et qui n’ont donc, pour la plupart, jamais mis les pieds sur le territoire de Daech. La menace terroriste reste donc à prendre au sérieux en Europe, et ce, malgré le déclin progressif du groupe État Islamique.