« Fique em casa » : quand le Brésil se réinvente pour rester à la maison

Percussionniste de Casseroles, médecin Instagram, prêtre pulvérisateur ou actrice porno infirmière, les Brésiliens rivalisent d'originalité dans la prévention contre le Coronavirus. 

 

« Ne restez pas à la maison »          

« On tape sur les casseroles, tous les jours à 20h30, depuis le premier discours de Jair Bolsonaro où il nous a demandé de ne pas rester à la maison. » 

Léonardo, étudiant en communication, entrechoque vigoureusement deux couvercles d’acier depuis son balcon. Un concert rituel d’une ponctualité impressionnante à Rio, ville du retard permanent… Au Brésil, taper sur des casseroles est une tradition pour protester. Il y a 2 ans et demi, on entendait partout dans la ville le même son de ferraille depuis les fenêtres pour la destitution de l’ancienne présidente Dilma Rousseff. 

Léonardo est convaincu que l’ampleur des protestations grandit de jour en jour. Car l’indignation ne vient pas que de l’opposition mais aussi des gens qui ont voté pour Jair Bolsonaro, aujourd’hui repentis. On lui reproche son inconscience. Prononcer à la télévision « le Brésil ne peut pas s’arrêter de travailler », c’est pour Léonardo, mettre en danger la vie de millions de Brésiliens. L’étudiant est persuadé que le discours de Jair Bolsonaro ne parle qu’aux riches entrepreneurs qui ont peur de l’effondrement de l’économie brésilienne. Heureusement, le Président brésilien est un des seuls à prendre cette crise avec autant de légèreté. Les Gouverneurs des Etats du Brésil ont décidé de ne pas l’écouter. La Chambre des députés a approuvé la mise en place d’une aide pouvant s’élever à 1 200 reais (Environs 220 euros) pour les familles les plus vulnérables.

Nous sommes à l’hôpital pour vous, alors restez chez vous

                Fernanda, médecin urgentiste depuis 2 ans dans un Centre de Santé publique dans l’Etat de Goiania, a pu observer, peu après le discours de Jair Bolsonaro, une recrudescence des patients atteints du coronavirus. Au tout début, pour certains, il était « bien vu » d’avoir attrapé le Coronavirus. "Synonyme de richesse et de voyage, il était presque devenu tendance ! Les gens se disait ah j'ai le Coronavirus, ça prouve que je suis allé en Italie, aux Etats-Unis ou en Chine, ça faisait chic» s’étonne-t-elle.  

Puis est venu le moment où les gouverneurs ont commencé à prendre cette pandémie au sérieux et mis en place des mesures d’isolement entre les Etats et les populations. Le nombre de cas s’est alors stabilisé. Mais depuis le discours de Jair Bolsonaro à la télévision, elle doit encore plus insister sur les gestes de prévention, dans sa salle d’attente et sur son Instagram. La jeune médecin de 25 ans mise sur son parler franc et sans tabou sur les réseaux. 

Depuis le début de la crise, les personnels soignants sont à court de matériels. Les masques prévus pour 2h d’utilisation sont utilisés 20 jours d’affilée. Ces denrées rares sont protégées dans des placards verrouillés afin d’éviter les vols, nombreux dans les centres de soins publics. La majorité des médecins de son équipe, elle comprise, ont déjà contracté le Coronavirus. Ils font des roulements pour qu’il y ait toujours des médecins en bonne santé prêts à recevoir des patients. Fin mars, ils ont vu leur effectif diminuer. Les internes en dernière année de médecine ont été appelés par leur université à rester chez eux. Fernanda est catégorique : si elle s’aperçoit que la population ne reste pas chez elle, elle arrêtera d’aller à l’hôpital. Car, elle n’aura plus aucune raison de risquer sa vie pour des gens qui mettent la leur et la sienne en danger. 

               « Soyez bénis depuis chez vous »

                Comment faire pour convaincre le plus grand pays catholique au monde de rester chez soit alors que Pâques approche ? Le prêtre Emerson Rogério Anizi a décidé de miser sur la technologie. Dans son diocèse de l’intérieur de l'Etat de Sao Paulo, en plus de mettre à disposition des logements pour les sans-abris et d’appeler tous les jours par WhatsApp ses paroissiens de plus de 60 ans isolés chez eux pour leur tenir compagnie, il a décidé de voir plus grand. 

C’est ainsi que le 24 mars dernier, les petites villes de Botuacu et de Sao Manuel ont pu voir 3 avions les survoler. Le premier contenait le Saint Sacrement, le deuxième des invités et le prêtre pour prier ensemble et le troisième… était chargé d’asperger les habitations d’eau bénite. Ou comment recycler les très polémiques avions de pulvérisation de pesticides en communion spirituelle. 

Pour le prêtre, « c’était un moyen de montrer à toute la population ainsi qu’aux personnels soignants qu’ils ne sont pas seuls. Cet événement a eu pour but de transcender les barrières religieuses, sociales et culturelles. »

                « Le porno dans la prévention contre le coronavirus »

                Pour Dayse aussi, il est important de se libérer de cette angoisse générée par le Coronavirus, tout en restant chez soi. Actrice porno pour une plateforme de vidéos en direct, CameraHot, elle nous explique que le porno l’aide autant que ses clients à se libérer de ce stress. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier les gestes essentiels de prévention ! A chaque début de session, Dayse parle du Coronavirus avec ses clients. Elle n’hésite pas à leur montrer comment bien se laver les mains. Pour elle, le porno est un excellent moyen de faire passer des messages d’information essentiels car il réunit un public très large et très éclectique. La plateforme a d’ailleurs vu son nombre de clients augmenter de 30% en mars par rapport au mois de février. Comme elle, 10 actrices porno ont tourné des petites vidéos en lingerie sexy pour expliquer les gestes d’hygiène de base. Une sorte de campagne de prévention offerte par le site. Cette technique permet de maintenir l’attention du spectateur jusqu’à la fin ! Dayse a remarqué que les demandes ont changé depuis l’arrivée du Coronavirus. Les costumes de médecin et infirmière sont revenus à la mode, et se laver les mains est, pour certains, devenu une demande de fétichiste. Dayse nous confie que le site est surtout visité à l’aube quand les épouses dorment, preuve que les Brésiliens regorgent de ressources pour rester à la maison !

 

Mathilde Bigeault