Au Brésil, plus de 13 millions de personnes habitent dans des favelas. Ces quartiers populaires à flan de collines, aux ruelles exiguës, aux maisons étroites et imbriquées les unes sur les autres, parfois sans eau courante, sans tout-à-l'égout...
Sont des bombes à retardement.
A 18h, depuis deux jours, la sirène retenti et fait écho sur la colline de Gloria, quartier populaire de Rio de Janeiro. « Mesure de prévention contre le Corona Virus, nous demandons à la population de se protéger, d’éviter de se rassembler et de rentrer chez soi ».
Le message est simple et efficace. Je finis mes courses, enfourche mon scooter et je rentre chez moi. Mais sur le trajet de ma villa cossue, un peu en contre-bas de la favela de Santo Amaro, mes voisins n’ont pas cette chance. Ils s’entassent à 16 dans des mini-vans, seul transport collectif pour rentrer chez eux.
« Nous seront les premiers soldats à mourrir sur le front » assure Erik Martins, jeune journaliste et guide touristique habitant dans la favela de Rocinha, l’une des plus grandes d’Amérique latine.
Depuis quelques jours, il essaie de mobiliser ses voisins, ses oncles, ses tantes… « lavez-vous les mains ! », « Arrêtez de vous rassembler ! »… Mais dans certains quartiers, l’eau manque, le gel alcool a disparu des étagères des pharmacies et ne pas se rassembler…. « Comment peut on demander à des gens d’obéir, de rentrer chez eux, et d’y rester, quand ils sont 7 à partager un 12 mètres carrés ?! » se lamante Erik. Un sourire soudain, quelle ironie du sort! "On venait de sortir de mois de violence entre gangs... Faut espérer que le Corona nous évite les balles... "
Dans la favela de Tavares Bastos, Raymundo, un des leaders de l’association des habitants a déjà placardé son quartier d’affiches donnant les consignes sanitaires basiques. Le tourisme a été interdit. La petite favela, pacifiée et sans gangs est connue pour être le lieu privilégié des tournages de télé, de la novela en passant par les reportages du JT. Raymundo a du refuser la Globo, la première chaîne nationale, qui voulait venir tourner pour raconter « comment ça se passe dans une favela ». « Pour l’instant, on n’a pas de cas, alors on ne va pas commencer à faire venir des gens extérieurs ».
Sauf que… 40% des Brésiliens sont des travailleurs informels, la plus part habitent dans des favelas et chaque jour, descendent et montent de chez eux pour aller travailler dans la zone Sud, chez les riches, sur les plages, ou dans le centre-ville. Des milliers de plombiers, femmes de ménage, nounous et serveurs porteurs potentiels.
Dans la favela de Acari, dans la zone nord de Rio, on manque d’eau aussi. La proximité de la petite communauté avec l’Hopital Municipal Ronaldo Gazolla, choisi pour être le centre de référence de traitement des patients infectés par le virus, les inquiètent.
Buba Aguiar, du collectif Fala Akari (Parles Akari) nous explique: « Dans certaines rues, on a des horaires spécifiques pour allumer la bombe à eau. Elle ne peut pas fonctionner toute la journée. Les gens finissent par chopper la moindre maladie, seulement parce qu’ils n’ont pas d’eau… alors leur dire de se laver les mains…. »
Les services sanitaires basiques ne sont pas fournis, ce qui provoque déjà, même sans le Corona, l’arrivée de nombreuses maladies: pneumonies, dengue, zika….
Il souhaiterait que l’Etat de Rio fasse des favelas une priorité, en leur donnant des moyens, et en attendant, des conseils adaptés à leur situation.
Le gouvernement de Jair Bolsonaro a annoncé la création d’un plan d’urgence, de 200 reais mensuel par travailleur informel, environs 30 euros…. Pas de quoi tenir une quarantaine à 6 dans un Une pièce…. En attendant, les communautés s’organisent toutes seules, elles en ont l’habitude. Certains gangs commencent à contrôler les entrées et les sorties des collines et des groupes WhatsApp ont vu le jour, pour faire passer le message en cas de livraison de gel hydroalcoolique.
Fanny Lothaire