Une enquête ouverte pour corruption dans l’attribution des JO de 2016 à Rio
C’est une nouvelle phase dans l’enquête anti-corruption Lava-Jato (lavage express) qui s’est ouverte ce mardi 5 septembre. La justice brésilienne s’intéresse cette fois à de possibles achats de voix au sein du Comité International Olympique, de manière à faire élire Rio de Janeiro en tant que ville-hôte des JO d’été. L’enquête, nommée opération Unfair Play met en cause un homme d’affaire brésilien, le président du comité national olympique brésilien, ainsi que l’ancien gouverneur de l’Etat de Rio entre 2007 et 2014, condamné à 14 ans de prison dans un méga scandale de corruption.
Dès 6 heures hier matin à Rio, dans le très chic quartier de Leblon, des officiers du ministère public fédéral de Rio de Janeiro et de la police fédérale ont perquisitionné le domicile de Carlos Nuzman, président du Comité national olympique brésilien, qui était à la tête de la candidature de la ville de Rio. Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir participer à l’achat des votes, en étant la personne en charge de connecter les corrompus et les corrupteurs.
Les enquêteurs ont également lancé des mandats d’arrêt contre Arthur Cesar de Menezes Soares, homme d'affaires plus connu sous le nom de « Roi Arthur » et son associée Eliane Perreira Calvacante. Tous deux sont soupçonnés d’avoir blanchi une partie de l’argent issue des pots-de-vin versés au CIO, via des sociétés offshore dans les îles Vierges britanniques et des comptes aux États-Unis, ainsi qu'Antigua et Barbuda, une île antillaise. Eliane Perreira Calvatante est la seule à avoir été menée au poste de la police fédérale ce mardi matin, Arthur Soares se trouvant à Miami, selon les enquêteurs. Il est désormais recherché par Interpol.
Coopération internationale
Dans cette opération Unfair Play, la France et le Brésil ont travaillé ensemble, en coopération avec les États-Unis, le Royaume-Uni et Antigua et Barbuda. En France, une enquête avait déjà été ouverte par le parquet national financier (PNF), sur des soupçons de corruption dans l’attribution des JO de 2016. D'après des documents transmis par le fisc américain à la justice française, révélés par le journal Le Monde en mars 2017, une société, Matlock Capital Group, appartenant à Arthur Soares, avait versé 2 millions de dollars au sénégalais Lamine Diack, alors président de la fédération internationale d’athlétisme et membre du CIO, par le biais de son fils Papa Massata Diack. « Le « Roi Arthur » avait évidemment de grands intérêts à ce que le projet aboutisse à Rio de Janeiro », explique le ministère public brésilien dans un communiqué. « C’était l’ouverture d’une immense fenêtre d’opportunités pour augmenter les contrats, non seulement avec l’État, mais aussi avec la municipalité et le Comité olympique de Rio 2016 ».
Jean-Yves Lourgouilloux, procureur adjoint du PNF, présent ce mardi à Rio pour enquêter avec ses homologues brésiliens, espère que l’opération Unfair Play «délivrera un message : que les personnes tentées d’utiliser la corruption pour s’enrichir se rendent compte que la justice fait son travail » et que la coopération entre les États est bien réelle. Quant aux procureurs brésiliens, ils estiment que cette nouvelle enquête affecte à nouveau l’image du Brésil à l’international et cause « un préjudice moral dans des proportions inimaginables », alors que l'opération Lava Jato dure depuis trois ans, et que des affaires concernant notamment les stades construits dans le cadre de la Coupe du monde de football 2014 avaient déjà secoués le pays.
Louise Raulais pour Fanny Lothaire