Nous vous proposons un dossier de trois volets pour comprendre le mouvement d'occupation des collèges et lycées publics au Brésil.
Au Brésil, les étudiants investissent leurs écoles.
Il se peut que la révolution sociale au Brésil soit née dans une cantine. Au milieu d’arroz et de feijão parsemé de farofa, des dizaines d'étudiants discutent sur le ras-le-bol général vis-à-vis des politiques de Temer.
L’assemblée à la cantine délibère.
Dans la cantine du Lycée Pedro II d'Humaita, les étudiants délibèrent des réformes que veut mettre en place le gouvernement Temer. Pour eux, elles vont précariser l’enseignement public et limiter le développement de leur pensée critique. Il est donc temps de faire quelque chose.
Malgré leur jeune âge, des adolescents entre 14 et 18 ans décident de prendre les rênes du futur du Brésil, que personne d’autre ne semble assumer. Les étudiants passent au vote. 235 élèves disent oui à l'occupation contre 4 votes négatifs et 3 abstentions. C’est la décision la plus démocratique de l’histoire.
Le moment du passage à l’acte est arrivé. Dès le lendemain de la décision, les étudiants prennent la direction et interdisent l’entrée aux professeurs. Alors que des enfants pleurent le matin pour ne pas aller à l'école dans le reste du monde, au Brésil, les étudiants installent leur matelas dans les salles de classe pour ne plus jamais en repartir.
Cela fait 3 semaines que les étudiants ont formé leur propre petite communauté dans chacun des 8 campus du Lycée Pedro II à Rio de Janeiro. Dans l’état de Paraná, des occupations avaient déjà eu lieu début octobre et sont arrivées au nombre de 800, même si ce phénomène commence à décroître. Dans le campus de Humaitá, des affiches pleines de couleurs rappellent des règles, des devoirs, des principes à suivre pour que l’occupation tienne la route.
Les étudiants mettent de la vie dans leur lycée. Ils se le sont réappropriés dans tous les sens du terme. De la musique sonne dans la cours et des graffitis décorent les murs et alors que le personnel chargé du nettoyage et de la cuisine est venu se présenter le 1er Novembre au lycée, les étudiants les ont renvoyés chez eux.
Ils ont parlé aux diverses entreprises qui s’occupent de ces services et sont parvenus à ce que les employés soient mis en congés.
Les étudiants veulent s’occuper eux-mêmes de tout et se sont donc divisés les tâches en plusieurs commissions : celle qui s’occupe des évènements, de la cuisine, du nettoyage, sécurité, et la commission de communication avec les parents. Manoella, étudiante de 16 ans de l’Ensino Fudamental, fait partie de cette dernière, « mais en réalité tout le monde fait un peu de tout » dit-elle. En effet, ils font vraiment “de tout”. Dans le campus de Humaitá, ils ont même réussi à revitaliser un potager à l’aide de la professeure de biologie.
Alors que plusieurs d’entre eux avouent être paresseux à la maison et de préférer jouer aux jeux vidéo plutôt que de faire la vaisselle, l’occupation a une politique de 0 tolérance. « Ma maman me dit que j’ai changé, que je ne balayais jamais à la maison avant » nous raconte Manoella avec humour.
Pour dormir, les étudiants se sont divisés dans deux grandes salles de classes. Des matelas sont étalés par terre et des petites piles de vêtement trainent un peu partout. Normalement, le réveil est être fixé à 8h ainsi que le petit-déjeuner mais il faut être honnêtes sur ce point : c’est la règle qu’ils ont le plus de mal à respecter. Les seuls qui sont excusés de faire des grasses matinées sont les membres de la commission de sécurité qui font la garde la nuit et dorment pendant la journée.
En ce qui concerne leurs besoins quotidiens, les élèves se fournissent en aliments grâce à des donations de nourriture de professeurs, de “mamans poules” ou des voisins de quartier qui appuient la cause. Jusqu’à présent, les étudiants n’ont pas connu la faim et sont parvenus à avoir trois repas et deux goûters par jour même si certains se plaignent de la répétition des repas.
La volonté de ses étudiants et de pouvoir tenir le siège et faire flancher le gouvernement en leur faveur.
Pour en savoir plus sur les réformes proposés par le gouvernement de Michel Temer et la vie dans ces écoles occupées, lisez la suite de ce dossier, Volet 2 : Les trois gouttes d'eau de Michel Temer, Volet 3 : Un antre de débauche ou la création d'une nouvelle pédagogie ?
Anne-Dominique Correa pour Fanny Lothaire