Voici la caricature publiée ces derniers jours par le célèbre dessinateur brésilien Latuff. Un tacle acerbe à ceux qui demandent la mise en accusation (impeachment) de la présidente Dilma Roussef.
Intitulée Dois golpes (en français, Deux coups d'Etat), la caricature établit un parallèle entre le coup d'Etat militaire perpétré en 1964 et la procédure d'impeachment menaçant actuellement Dilma. A l'image de Latuff, les défenseurs du gouvernement considèrent que la mise en accusation de la présidente constitue une atteinte à la démocratie. Selon eux, l'impeachment remet en cause l'ordre constitutionnel et les résultats des élections présidentielles de 2014. Des arguments néanmoins contestables, puisque la Constitution elle-même prévoit la procédure d'impeachment. Quant aux élections de 2014, elles ont surtout été marquées par le taux d'abstention le plus élevé depuis 1998.
Pour une partie de la population brésilienne, les accusations de corruption dont le gouvernement fait aujourd'hui l'objet sont le fruit d'une stratégie politique. Sécrétées par un une élite fasciste, elles légitiment en réalité un coup d'Etat contre le PT (Parti des Travailleurs) actuellement au pouvoir.
Le retour de la dictature militaire ?
Outre la discordance politique, la caricature de Latuff illustre également une peur prégnante au sein de la société brésilienne. Cette peur, c'est celle d'un retour aux démons du passé, d'un soubresaut autoritaire. De 1964 à 1985, le Brésil a en effet connu une dictature militaire extrêmement répressive, usant massivement de la torture. Jeune résistante, Dilma Roussef en avait elle-même fait les frais.
Aujourd'hui, alors que le pays traverse une crise économique, politique et sociale, beaucoup redoutent un retour à l'autoritarisme. Une peur d'autant plus forte que certains opposants au gouvernement demandent une intervention temporaire des militaires à la tête du pays.
Plus de cinquante après le coup d'Etat par les armes, le Brésil serait-il en proie à un coup d'Etat par la loi ? Telle est la question soulevée par Latuff.
Fanny Lothaire et Marie Gentric