Il y a une semaine, jour pour jour, une étudiante de l'Université publique de Brasília était assassinée sur le campus. Et puis il y a eu une nomination, des écoutes rendues publiques et des manifestations... Malgré tout, ce crime passé presque inaperçu relance une fois de plus les questions de sécurité au Brésil, mais aussi les questions autour de l'éducation contre le machisme environnant.
A 15h40 le vendredi 11 mars, l'Université de Brasilia (UnB) a annoncé par le biais des réseaux sociaux la mort d'une étudiante en biologie, Louise Brooks. Passons les détails sordide de sa mort, le meurtre a été avoué quelques heures plus tard par son ex-petit ami, Vinicius Neres, lui aussi étudiant en biologie. Il s'est rendu à la police civile, indiquant n'avoir eu aucune intention de la tuer. La victime avait mis fin à leur relation et ne souhaitait pas la reprendre. Énervé, Vinicius a utilisé du chloroforme dans les locaux de l'UnB pour tuer la jeune femme. Après quoi, il a caché et brûlé le corps près du campus. La mort de l'étudiante a renforcé le débat sur la violence domestique contre les femmes dans l'établissement.
Un féminicide loin d'être un cas isolé
Cette annonce a fait l'effet d'une bombe parmi les étudiants. Quelques jours auparavant, à l'occasion de la journée des droits de la femme, beaucoup d'entre eux s'était déjà réunis pour commenter les chiffres brésiliens. Les chiffres en questions ne sont autres que le taux d’agression contre les femmes en 2015, pourcentage encore en augmentation. L'année dernière, 76 651 cas de violences (physiques, morales, sexuelles) faites aux femmes ont été enregistrés, contre 52 958 en 2014.
Pour continuer à faire de ce sujet un thème de réflexion primordial et pour rendre hommage à Louise, deux cérémonies ont été organisées le lundi 14 mars. Élus, professeurs, famille, amis et l'intégralité de l'Université étaient conviés. Près de 300 personnes sont venues assister à l'hommage. Dans les marches de l’amphi-théâtre des roses blanches ont été distribuées. Des pancartes trônent aussi fièrement au dessus des têtes de quelques étudiantes: « L'amour ne tue pas. Un féminicide si », « Ce n'est pas un crime passionnel, c'est un féminicide ». Après quelques chants, le coordinateur* de Louise prend la parole. «Ce n'est pas juste cette histoire tragique, c'est un problème de société. Ce problème on le nomme machisme». La directrice du programme ONU femme, Joana Chagas, a elle aussi tenu à prendre la parole. « les meurtres violents sont historiques. Ils font parti d'un cycle de la violence que l'on peut prévoir. Si il est reconnu que notre société est patriarcale, machiste et sexiste, alors on pourra éviter ce genre de crime. Le féminicide est un problème qui concerne la société dans son ensemble », a-t-elle déclaré sous les applaudissements. A rappeler que en dehors de violences, le Brésil se classe cinquième dans le classement des homicides féminins sur les 83 pays enregistrés par l'ONU, derrière Le Salvador, la Colombie, le Guatemala et la Russie.
Sécurité : le débat est relancé
Pour éviter d'autres meurtres, certains représentants politiques et aussi au sein de l'Université, demandent à faire revenir la police militaire sur la Campus. C'est une décision très controversée pour plusieurs raisons. La première est une évidence, le Brésil est une république récente, faire intervenir la police militaire auprès des étudiants fait remonter le souvenir de la dictature pour certains Brésiliens. Ensuite, la police militaire est réputée au Brésil pour être une unité assez agressive et conservatrice. La majorité des étudiants ne veulent pas de ce contrôle supplémentaire et estiment qu'il pourrait y avoir des blessés avec l'intervention des militaires. Le doyen de l'établissement, Ivan Camargo, a priori plutôt en faveur de ce changement, a promis que la sécurité et l'éclairage de l'université seraient renforcées pendant la nuit pour prévenir d'autres crimes au sein de l'institution. Une des représentantes du campus a déclaré, quand à elle : « Certains parlent de faire revenir la police militaire sur ce campus, moi je parle d'hommes qui doivent comprendre, et de femmes qui doivent être fortes. Je peux promettre de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que toutes les femmes de jours comme de nuit soient ici, sur le Campus Darcy Riberio, en sécurité et que plus jamais l'histoire ne se répète ». Pour déconstruire les idées très ancrées dans la société brésilienne du machisme, du sexisme, de la violence ou encore du racisme, cela nécessite d'éduquer a-t-elle expliqué.
Ces débats se sont tût depuis la nomination de Lula comme ministre par la présidente actuelle Dilma Rousseff, ce mercredi soir. Mais cela reviendra sur le devant de la scène, comme toujours.
*Un coordinateur au Brésil est le tuteur qui suit les études, conseille et aide les élèves dont il a la charge.
Anne-Flore Roulette à Brasilia, pour Fanny Lothaire