Campagne pour le « retour volontaire » des migrants :  les start-ups de Berlin se mobilisent

Campagne d'affichage du programme « Returning from Germany». Gare de Villingen en Forêt-Noire (Bade-Wurtemberg) © David Gümbel

De jeunes entrepreneurs réclament le retrait d’une campagne d’affichage qui incite au « retour volontaire » des migrants dans leur pays d’origine.

« Ton pays, Ton avenir, Maintenant ! » C’est le slogan d’une campagne, pomme de discorde en Allemagne. Sur murs du métro berlinois ou dans une gare au fin fond de la Forêt-Noire... Les affiches (2400 au total) sont placardées partout dans le pays. Au premier coup d’œil, difficile de savoir ce dont il s’agit exactement.

Il faut se rendre sur le site Internet mentionné en grandes lettres « Returning from Germany » (littéralement « Rentrer d’Allemagne ») pour y voir plus clair. On y trouve un programme d’accompagnement au « retour volontaire » des migrants non-ressortissants de l’UE vers leur pays d’origine. Des « centres de conseil » aménagés sur tout le territoire proposent une « aide organisationnelle à la réintégration et la couverture des frais de voyage. »

A l’origine de la campagne, le ministère de l’Intérieur allemand explique dans son communiqué que « le départ volontaire représente le meilleur moyen d'expulsion, en particulier pour ceux qui doivent partir. Le site fournit des informations aussi complètes que possible pour cela. » Depuis septembre cette année 300 demandes de « retour volontaire » ont déjà été reçues. 

« Ces affiches sont porteuses d’un message haineux et discriminatoire »

« Un message choquant » pour Hannah Hübner. Cette citoyenne berlinoise de 29 ans est à l’origine d’une pétition réclamant le retrait immédiat de ces réclames. Plus de 27 000 signataires ont déjà manifesté leur soutien sur le site Change.org. Parmi ces opposants, les start-ups de la capitale sont mobilisées. 

Yann Leretaillle, jeune co-fondateur d’une entreprise dans le domaine de la Tech basée à Berlin, a lancé la semaine dernière un mouvement de protestation baptisé « Berlin Unite ». « Les employés internationaux représentent environ 70% de notre personnel de près de 40 salariés. Ce sont des ingénieurs, concepteurs et chefs de produits hautement qualifiés dont nous avons vraiment besoin » explique-t-il dans une lettre ouverte adressée au ministère de l’Intérieur. Lui aussi souhaite voir disparaître ces affiches qu'il juge « chargées de haine et discriminatoires. » Une soixantaine de start-ups se sont greffées au mouvement, dont la plate-forme de distribution audio en ligne Soundcloud. 

Un programme qui n'est pas pourtant pas nouveau

« Ce retour, ce n'est pas ce dont les migrants ont besoin. S'ils sont jusqu'ici, c'est qu'il y a une raison. On ne peut pas dire à quelqu'un qui a fui la guerre de rentrer dans son pays. C'est une mesure populiste » s'agace Günther Schulze, responsable d'une association d'aide aux demandeurs d'asile.

Ce programme n'est pas nouveau. Entre 2013 et 2017, plus de 140 000 personnes ont perçu une subvention dans le cadre d'un « Programme de rapatriement et de réintégration assisté par le gouvernement » dans leur pays d'origine ou dans un pays tiers. Le gouvernement fédéral assure avoir dépensé un total de 78 millions d'euros en cinq ans. La vague d'indignation naît du message formulé par le gouvernement à travers cette vaste campagne, proche de celui que scande l'AfD.

Par Chloé Cosson