Pendant quatre mois, la police de Berlin ne parvenait pas à identifier un homme sans nom plongé dans le coma. Enfin, un voisin a reconnu ses clés - la fin d'une enquête sans précédent.
Pas de nom, pas de proches, pas d’affaires personnelles. C’était comme si l’homme qui a été trouvé inconscient en jogging dans un parc de Berlin n’existait pas. Depuis qu’une passante l’avait découvert au bord d’un chemin de terre du Volkspark Wilmersdorf, un jeudi matin il y a quatre mois, personne n’a signalé la disparition d'un proche, personne ne s’est inquiété d’un appartement abandonné. Jusqu’à récemment, la police criminelle berlinoise n’avait aucune piste pour trouver l’identité du mystérieux joggeur.
L'homme ne pouvait pas s'expliquer
Blessé grièvement à la tête lors de sa chute après un collapsus cardio-vasculaire, le septuagénaire est dans le coma depuis près de huit semaines maintenant. D’après les médecins, son cerveau est trop endommagé pour qu’il retrouve la parole un jour. Et même s’il se réveille du coma, rien ne garanti qu’il se rappellera de qui il est. L’homme ne pouvait donc pas tirer lui-même l’énigme au clair. Tout reposait sur les enquêteurs pour l’identifier.
Une longue enquête difficile
Rien de surprenant pour un coureur, il ne portait pas de pièce d’identité sur lui, seulement un trousseau de clés, un pulsomètre et un sac banane avec quinze euros. L’absence d’une clé de voiture ou d’un ticket de transport laissait penser que l’homme n’habitait pas loin. Mais où ? Les deux clés sur son trousseau ne portent pas de numéro d’enregistrement, ce qui rendait impossible pour la police de déterminer à quelle adresse elles correspondaient. Mardi encore, une dizaine d’élèves de l’école policière berlinoise ont passé une journée à les essayer sur toutes les portes d’entrée dans un rayon de trois kilomètres autour du parc. La police a même demandé l'aide de la communauté Twitter, en vain.
#RT
Der Einsatz unserer #Polizeistudies in #Wilmersdorf für die #Vermisstenstelle ist jetzt beendet.
Deshalb geben wir die #Schlüsselfrage weiter an unsere #Community.#Followerpower: Hat Ihr Haustürschlüssel dasselbe Profil?
Wenn JA, dann ☎️ (030) 4664-912444
^tsm pic.twitter.com/eb2MhhXbOI— Polizei Berlin (@polizeiberlin) July 10, 2018
Publiées dans les journaux et sur des avis de recherche, la photo et la description de l’homme - grand, cheveux blancs, sportif, prothèse dentaire, diabétique, pas de cicatrices ou tatouages - n’avaient fait réagir personne. Ses empreintes étaient inconnues de la police. Sa passion pour la course à pied avait poussé les enquêteurs à vérifier toute la liste des 120 inscrits au demi-marathon qui s’est déroulé à Berlin en avril - sans succès. Son diabète les avait amenés à contacter tous les cabinets médicaux spécialisés dans ce domaine, sans résultat. Une voiture stationnée non loin du parc avait attiré l’attention parce qu’elle n’avait pas été déplacée pendant des semaines - et les avait mené à un autre monsieur hospitalisé. Une déclaration de disparition en Saxe-Anhalt semblait pouvoir correspondre au profil du joggeur de Berlin, et s’est finalement révélée une fausse piste.
En trop bonne santé pour être sans abri
Qu’après quatre mois il n’y avait toujours aucune trace de la vie que devait avoir menée l’inconnu, c’est du jamais vu pour les enquêteurs. Habituellement, ce genre de cas est résolu en 10 jours. Les pistes de réflexion étaient multiples : peut-être que le joggeur n’était pas Berlinois, mais simplement un touriste ou un homme d’affaires de passage qui louait une chambre d’hôtel ? Dans ce cas, l’établissement aurait dû constater le départ surprenant d’un résident qui a laissé derrière tous ses bagages. Pour un sans-abri, l’homme paraissait en trop bonne santé, trop bien habillé avec des vêtements de marque.
Quels soins pour un homme sans numéro d'assurance ?
Le mystère de son identité créait une série de problèmes administratifs. Sans nom, on ne pouvait pas déterminer la caisse d’assurance-maladie qui doit le prendre en charge. Sans assurance-maladie, il ne pouvait pas être transféré en centre de rééducation, et continuait à occuper un lit en soins intensifs à l’hôpital universitaire Charité à Berlin, qui devait avancer les frais de son traitement. Pendant longtemps, l’hôpital ne voulait pas dire ce qui serait advenu si l’homme n'avait pas été identifié.
Elucidation grâce aux réseaux sociaux
Mais dans la soirée du mercredi, l'enquête du mystérieux joggeur berlinois a pris une nouvelle tournure : un voisin de l'homme avait finalement reconnu la clé dont la police avait diffusé l'image sur les réseaux sociaux. A l'intérieur de l'appartement, le passeport de l'homme a enfin révélé son identité. Il s'agissait d'un Allemand d'origine iranienne, célibataire et qui vivait seul. Que personne n'avait remarqué son absence pendant quatre mois met en lumière l'anonymat et la solitude que certains vivent en plein coeur d'une métropole.
Par Anja Maiwald