Quand il est question de gestion de l'argent public de la part des responsables politiques, les Allemands sont souvent cités en exemple. Le plus souvent à juste titre. Pourtant, l'augmentation automatique des indemnités des députés du Bundestag décidée cette semaine passe mal. Une décision prise en catimini et bien maladroite dans un contexte politique très tendu.
Un ajustement qui fait polémique
« Alors que nous n'avons toujours pas de gouvernement, les députés n'hésitent pas à s'augmenter ». Une phrase qui revient en boucle dans la presse allemande, tabloïds et Bild Zeitung en tête. Le journal aux quelques 10 millions de lecteurs quotidiens a même publié le vote détaillé de tous les députés. En cause, l'ajustement automatique des indemnités réservées aux députés. Un vote au timing maladroit alors que la CDU d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates cherchent péniblement à se mettre d'accord pour former un gouvernement de coalition. La dernière augmentation en date remonte au 1er juillet dernier. Les députés avaient alors voté une hausse de leurs indemnités de 215 euros. Un parlementaire allemand touche désormais 9524 euros par mois. Cette semaine, il a été acté au Bundestag que cette augmentation deviendrait chaque année automatique. Avec une justification imparable : les indemnités sont désormais annexées à l'évolution des salaires nominaux. Ce n'est pas que l'Allemagne ne puisse se le permettre. Mais la polémique monte dans un pays si fier de sa rigueur budgétaire.
Un débat public passé aux oubliettes
Pour leur défense, les chefs des deux plus grands groupes parlementaires, la CDU et le SPD, ont déclaré appliquer uniquement les recommandations exprimées par le tribunal constitutionnel. Tout en précisant que l'indexation sur les salaires nominaux pouvait aussi impliquer une baisse des indemnités. Des explications rejetées par la Bild qui s'est lancée dans une campagne dont elle seule a le secret. Avec notamment ce gros titre : « Une augmentation de salaire ? Rien de plus facile... mais seulement si vous êtes député ». Le très sérieux quotidien économique Handelsblatt y est également allé de son éditorial très critique. Dans le viseur du journal, le caractère automatique de l'augmentation lequel implique l'absence de débat parlementaire et donc de discussion publique. La fédération des contribuables n'a pas tardé à réagir via son président, Reiner Holznagel. « Les politiques se dérobent à leurs responsabilités. Chaque augmentation doit faire l'objet d'un débat public et transparent au Bundestag. Une augmentation automatique est inacceptable ». Sans oublier que les retraites des députés sont par ricochet également revues à la hausse, toujours sans débat public.
Une tentative de récupération qui tombe à l'eau (ou dans la saucisse)
D'autant que cette augmentation entre en vigueur dans un Bundestag XXL. Depuis les législatives de septembre dernier, ils sont en effet 709 à avoir obtenu un siège. Soit le plus grand nombre de députés jamais vu au Bundestag, et ainsi une législature qui est déjà la plus chère qu'ait connue le pays. La petite vingtaine de minutes accordée aux parlementaires pour s'exprimer avant le vote a suffi pour mettre le feu aux poudres. « Vous devriez avoir honte » a lancé le député du parti populiste de l'AfD, Stefan Keuter, à l'encontre des grands partis qui ont soutenu cette décision. Du pain béni pour l'AfD qui a sauté sur l'occasion pour dénoncer une caste politique qui se servirait dans les caisses de l'État. Ses députés se sont empressés de voter contre. Problème, aucun député de l'AfD n'avait émis de réserves lors des discussions préparatoires au vote. D'où le soupçon de récupération politique. Autre casserole qui a été rappelée au souvenir du parti fort d'une centaine de députés, les 10 000 euros dépensés en frais de bouche lors d'une réunion de l'AfD au parlement. Une belle somme investie dans de la chair à saucisse mangée crue. Un écart de conduite qui a également beaucoup choqué. Car si l'Allemagne est bien connue pour son amour inconditionnel de la saucisse, même ce dernier s'efface devant la bonne gestion de l'argent public.
Par Julien Mechaussie