La chancelière vient sans conteste d’essuyer son plus grave échec politique en 12 années de pouvoir. Pourtant réputée pour ses talents de négociatrice, son art éprouvé du compromis, elle n’aura pas réussi à mettre d’accord les Verts, les Libéraux du FDP et les conservateurs bavarois de la CSU pour constituer une coalition gouvernementale. Près de deux mois après les élections, l’échec des négociations a été acté peu avant minuit par le chef de file des Libéraux, Christian Lindner, avec cette déclaration: « mieux vaut ne pas gouverner que mal gouverner ». Que ce soit sur le climat, sur l’immigration ou sur la fiscalité, les divergences étaient donc trop grandes pour trouver des compromis et une coalition qui aurait été inédite au plan national. Angela Merkel aura beaucoup tenté, sans succès, et son avenir politique est désormais sérieusement hypothéqué. Elle doit rencontrer aujourd’hui le président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier, pour étudier les différentes options possibles. Un gouvernement minoritaire est exclu, ce n’est pas dans la tradition politique allemande d’après-guerre. Le retour des sociaux-démocrates également, ils ont répété dès hier soir qu’ils restaient dans l’opposition. Comme l’hypothèse que la chancelière entame un nouveau round de négociations avec les Libéraux et les Verts semble improbable, il ne reste qu’une option: la convocation de nouvelles élections, dès le début de l’année prochaine. C’est d’ailleurs ce que souhaitent une majorité d’Allemands, 68% des personnes interrogées dans un sondage publié vendredi se prononçant pour un nouveau vote en cas d’échec des négociations. Dans ce cas, Angela Merkel aura bien du mal à défendre sa place de tête de liste de la CDU, 61% des Allemands pensent qu’elle ne peut se maintenir à son poste après l’échec des négociations gouvernementales.
Qui est responsable de l’échec des négociations ?
Les analyses et spéculations vont bon train ce matin pour savoir qui est responsable de l’échec des négociations. Le FDP a vite dégainé, accusant la chancelière d’avoir mené ces discussions de manière « chaotique ». Mais les Libéraux ayant les premiers quitté les négociations, ils sont clairement ce matin dans la ligne de mire. « C’est un jeu dangereux auquel ils ont joué », écrit la Bild ce matin, qui coite un autre responsable de cet échec, le ministre des Transports Alexander Dobrindt, l’un des pontes de la CSU bavaroise. « Que ce soit sur le regroupement familial, la fiscalité, le climat, Lindner et Dobrindt sont restés très fermes face aux Verts, mais aussi face aux propositions de compromis d’Angela Merkel. » Il y a derrière un agenda politique bien calculé: les Libéraux voient les Verts comme leurs principaux concurrents politiques et ne veulent rien faire qui pourraient les renforcer, alors que Dobrindt n’a pas oublié que les écologistes lui ont mené la vie dure à son poste de ministre, notamment sur son projet de péage autoroutier. Dans cette crise, les écologistes pourraient bien sortir leur épingle du jeu, ayant montré leur volonté de trouver un accord en acceptant de modérer certaines de leurs exigences, notamment sur le climat. Du reste, dans le dernier sondage de la ZDF, publié vendredi, les Verts sont les seuls à gagner des intentions de votes, +1 point, à 12%, les plaçant pour la première fois depuis longtemps à la troisième position, derrière la CDU et le SPD.
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