C’était le grand rendez-vous de cette campagne! Le débat télévisé entre Angela Merkel et Martin Schulz était attendu depuis des semaines, beaucoup espérant que cet unique face à face allait réveiller la campagne. Mais à trois semaines du scrutin, aucun des deux candidats n’a voulu faire de vagues. Le duel avait donc pour la presse allemande plus une allure de duo. “Merkel et Schulz sont d’accord”, titre aujourd’hui sobrement, et avec lucidité, le quotidien berlinois “Der Tagesspiegel”. Car pour marquer des points dans ce genre d’exercice, il faut clarifier ses différences. Or, Martin Schulz a souvent préféré écouter sagement les propositions de son adversaire, sans oublier, ici et là, d’hocher la tête pour lui témoigner de son soutien.
Toujours d'accord sur le fond
La première moitié du débat a été consacrée à l’immigration et au terrorisme. Sans que l’on voit de différences notables entre les deux candidats. Une attaque de Schulz a rappelé furtivement aux téléspectateurs qu’il s’agissait bien d’un duel. Il a reproché à Angela Merkel d’avoir ouvert les portes de l’Allemagne, en 2015, sans en avoir convoqué les autres pays membres de l’UE. Et Merkel de répondre: “Il y a des situations, dans la vie d’une chancelière, dans lesquelles vous devez prendre des décisions.” Et un point pour Merkel qui souligne ainsi son expérience.
Autre thème sensible: les relations avec la Turquie. Là encore, peu de pierres d’achoppement. Merkel précise qu’une entrée de la Turquie dans l’Union européenne n’aura pas lieu. “Je ne prévois pas une entrée de la Turquie dans l’UE. Je ne l’ai jamais fait, même quand le SPD l’envisageait”. Martin Schulz souhaite, une fois chancelier, “rompre tous les accords avec la Turquie”, car “toutes les lignes rouges ont été franchies”. Merkel approuve, restant plus neutre dans la forme.
On s’attendait à ce que le débat s’anime quand le thème de la justice sociale, l’axe majeur de la campagne du SPD, a été abordé. Mais Martin Schulz expédie, à la surprise générale, ce dossier en moins de deux minutes, et ne parvient pas à marquer de points même quand il demande à Angela Merkel de clarifier sa position sur l’âge de départ à la retraite. La chancelière se dit clairement contre un départ à 70 ans. “Frau Merkel, à la bonne heure!”, lui lance, en français, son concurrent. Tout le monde est d’accord, on peut changer de sujet… Cela va vite, trop vite aux yeux de la Bild: « on aurait aimé entendre plus Merkel et Schulz sur la façon dont ils comptent réduire les fractures en Allemagne, et ce qu’ils veulent faire contre les demandeurs d’asile criminels. La plupart des thèmes qu’ils ont abordé sont importants sur la scène internationale, mai ce n’est pas cela qui préoccupe les gens ».
Merkel jugée plus convaincante
A moins de dix minutes de la fin de l’émission, il est question de la future coalition et des alliances possibles. Angela Merkel exclut tout accord avec le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne, ainsi qu’avec le parti radical de gauche “Die Linke”. Après ces 97 minutes de « débat », une chose semble plus probable: la CDU et le SPD sont prêts pour une nouvelle grande coalition dirigée par Angela Merkel. Car si Martin Schulz misait beaucoup sur le duel télévisé pour combler son retard, c’est bien la chancelière qui en sort gagnante. La Bild titre ce matin “Schulz attaque, Merkel convainc”. Dès hier soir, un sondage instantané montrait que la candidate CDU avait remporté la partie, jugée « plus convaincante » (55% contre 35% pour Schulz), « plus crédible » (49% contre 29%), mais aussi « plus sympathique » (49% contre 31%). Pour le Tagesspigel, « on a vu deux professionnels confiants, très au fait de leurs dossiers, mais quand c’était le moment de débattre et d’offrir de nouvelles alternatives, Martin Schulz est resté en retrait ». Au lendemain du débat, rien n’a donc changé: Merkel devrait être réélue, avec le SPD à ses côtés. Le Spiegel conseille donc d’“aller se recoucher”.