La chancelière ne s'exprime guère sur sa vie privée. Mais quand les élections approchent, elle n'hésite pas à entrouvrir sa porte de son chez-soi, en commençant par sa cuisine. Une communication savamment orchestrée.
Angela Merkel et son mari, Joachim Sauer, fêteront l'année prochaine leurs 20 ans de mariage. Tous les deux chimistes, ils cultivent le plaisir des choses simples. À mille lieues du couple Obama ou des pérégrinations de François Hollande en scooter. Dernier exemple en date, une interview donnée au magazine people BUNTE et ses quatre millions de lectrices et de lecteurs. Son secret pour pouvoir se concentrer entièrement sur la campagne électorale ? « Mon mari me soutient constamment. C'est lui par exemple qui va le plus souvent faire les courses ». Oubliez donc le faste du Palais de l'Élysée. D'ailleurs, Angela Merkel n'habite pas à la chancellerie. Elle préfère dormir dans le petit appartement du couple dans le quartier de Mitte, à deux pas du quartier gouvernemental. Et lorsque Joachim n'a pas le temps, il n'est pas rare de la voir faire les courses elle-même dans un petit supermarché du centre, après sa journée de travail à la chancellerie.
Seul luxe que se permet la chancelière, une petite datcha dans l'Uckermark, région de forêts et de lacs très peu habitée, située au nord de Berlin. Lieu de retraite, elle s'y occupe avec son mari du jardin. Avec son sol sablonneux, l'Uckermark est une terre fertile pour les pommes de terre. « La récolte s'annonce abondante » a précisé la chancelière amatrice du tubercule à BUNTE. « J'écrase moi-même les pommes de terre avec un pilon et non pas un presse-purée. Cela permet de conserver de petits morceaux ». Il y a quatre ans, lors de la précédente campagne pour les législatives, elle avait déjà entrouvert la porte de sa cuisine, livrant ses conseils pour réaliser de succulentes rinderroulade, un plat typiquement allemand.
Les recettes de la chancelière peuvent paraître anecdotiques en ces temps de campagne électorale. Pourtant, la plupart des médias allemands ont repris ses déclarations, tant la parole de la chancelière est contrôlée et les détails sur sa vie privée rares... Les télévisions allemandes qui suivent la candidate ont par exemple pour consigne stricte de ne la filmer que d'un seul profil. Raillée pour ses tenues vestimentaires et sa coupe de cheveux peu soignée il y a encore quelques années, Angela Merkel a cédé à ses conseillers en communication. Tout en misant sur la sécurité. Avec son éternel ensemble pantalon-veste à gros boutons décliné dans de nombreuses couleurs, et du volume donné à ses cheveux.
Rien de spectaculaire a priori mais une communication extrêmement contrôlée qui a pour but de renforcer son image de « Mutti », de « maman ». Proche du peuple, puissante et rassurante en temps de crise. À chaque élection cependant, Angela Merkel se doit de lever - un peu - le voile sur sa vie privée. Peut-être encore plus cette année face à un concurrent qui présente un séduisant story-telling. Le candidat du SPD Martin Schulz a été libraire, a vaincu ses problèmes avec l'acool, avant de devenir maire d'une petite ville puis président du Parlement européen. Bien plus sexy que Merkel et son doctorat en chimie, sa jeunesse passée dans l'ex RDA, dans le Brandebourg, et un père pasteur. Et quoi de mieux que la pomme de terre, légume préféré des Allemands qui constitue la base de nombreux plats, pour se montrer proche des électeurs.
Par Julien Mechaussie