C’était le premier test d’une année électorale cruciale en Allemagne, avec en septembre les élections fédérales. Le scrutin dans la Sarre était attendu, de façon sans doute un peu exagérée, eu égard à la taille de ce Land, à peine 800.000 électeurs. Mais après la candidature de Martin Schulz au poste de chancelier, la « hype » qui s’en est suivie et le rebond du SPD dans les sondages, la question était de savoir si les sociaux-démocrates allaient pouvoir engranger un bon résultat du côté de Sarrebruck. Et si certains au SPD semblent prendre l’ancien président du Parlement européen pour un Messie, les résultats d’hier ont montré qu’il ne peut pas réaliser de miracle…
Le SPD n’atteint pas la barre des 30%, en baisse d’un point par rapport au dernier scrutin de 2012. La CDU, elle, atteint plus de 40%, soit 5 points de plus qu’en 2012. La gauche radicale accuse le coup (12,9%, -3,2 points), les Verts sortent du Parlement (4%), et les populistes de l’AfD y font leur entrée avec un peu plus de 6% des voix. Pour la CDU, ce résultat est excellent, c’est une belle victoire de sa tête de liste. Annegret Kramp-Karrenbauer sort confortée même si elle va devoir renouveler sa grande coalition avec le SPD… Celle que l’on surnomme la « mini-Merkel » a toujours soutenu la politique de la chancelière. Au siège de la CDU à Berlin « tout le monde se sent sarrois », ironise le Tagesspiegel ce matin. Aux yeux des proches d’Angela Merkel, ce résultat valide en effet la ligne suivie, plus centriste, face aux coups de butoir de l’aile droite du parti.
Un « effet Schulz » limité mais réel
« C’est une petite région, mais le signal est fort », écrit la Bild, quand la Süddeutsche Zeitung résume ainsi la situation: « les résultats d’hier n’ont pas éteint tous les espoirs du SPD d’accéder à la chancellerie, mais cela a sans aucun doute mis le couvercle sur la Schulz mania ». Pour les sociaux-démocrates en effet, la déception est grande mais pas définitive. Hier soir, Martin Schulz a pris soin de rappeler que le vrai enjeu, c’est « de changer de gouvernement fédéral ». Mais s’il veut pour cela nouer une coalition avec les Verts et la gauche radicale (coalition rouge-rouge-verte), le résultat sarrois n’est guère engageant. « Le SPD était convaincu que la Sarre pouvait jouer le rôle de test pour une coalition rouge-rouge », analyse ce matin la FAZ. « Mais le parti n’a pas réussi à écouter les électeurs sarrois. Quelle terrible erreur ! »
Ce qui est plus problématique pour Schulz est que la dynamique positive qu’il connaissait depuis plusieurs semaines, le fameux « effet Schulz » dont les médias allemands et étrangers usent et abusent dans les analyses, est clairement freinée. Dans la Sarre, cet effet a pourtant joué, mais pas suffisamment. Dans les sondages, on voit très clairement qu’en janvier, juste après l’annonce de la candidature de Schulz la chancellerie, le SPD passe d’un coup de 24% à 30% des intentions de vote, soit peu ou prou son résultat d’hier. Dans le même temps, les populistes de l’AfD baissent de 9-10% à 6%, là aussi proches de leur résultat final. Il y a donc bien eu un effet Schulz dans la Sarre, du même ordre qu’au niveau fédéral: depuis janvier le SPD a repris de 6 à 10 points dans les sondages, alors que l’AfD a dans le même temps accusé une baisse de 4 à 5 points.
Le problème pour les sociaux-démocrates est que « l’effet Schulz » semble pour le moment fauché dans son élan, le SPD stagnant désormais dans les sondages autour de 30%. La situation est figée, mais cela ne préjuge de rien pour le SPD, comme pour la CDU de Merkel: la campagne est encore longue d’ici le scrutin de septembre. Comme le résume le Tagesspiegel, « le combat a commencé. Pour une nouvelle majorité, pour une nouvelle coalition, pour chaque vote. Ça va être serré ».
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