Ils refusent de reconnaître l'existence de la République fédérale, leur radicalisation inquiète les autorités allemandes. Qui sont ces extrémistes qui se font appeler "citoyens du Reich" ?
Le 19 octobre dernier, une unité spéciale de la police investit la maison de Wolfgang P. à Georgensmünd (Bavière), afin de lui confisquer une trentaine d'armes qu'il n'avait plus le droit de posséder. L'homme de 49 ans fait feu et blesse grièvement l'un des policiers qui meurt le lendemain des suites de ses blessures. Le tireur est arrêté et sera poursuivi pour meurtre aggravé. Il risque désormais la prison à vie. Voisin irascible, administré extrêmement procédurier, Wolgang P. se revendiquait "citoyen du Reich". Cette mouvance rassemblerait quelques milliers d'adeptes dans toute l'Allemagne, mais principalement dans le Sud et l'Est du pays. Ils ne reconnaissent pas la République Fédérale actuelle car selon eux l'Allemagne nazie n'a pas capitulé en 1945. En l'absence de traité de paix, les frontières de 1937 (ou de 1914, au choix) sont les seules qui vaillent. Ils en sont convaincus: le grand Reich est toujours debout, Angela Merkel dirige en fait une société anonyme dont le siège est à Francfort, le pays est toujours occupé par des puissances étrangères.
Ces citoyens hors système ont des profils très différents: néo-nazis, nostalgiques de l’empereur Guillaume II, adeptes des théories du complot, fous. Ils sont parfois tout cela à la fois… Certains ont même "élu" leur propre chancelier. Le chancelier du "gouvernement en exil du Reich allemand", dont voici le portrait:
En juillet dernier, le ministère de l'Intérieur lançait une alerte sur le "potentiel de perturbation croissante" des "citoyens du Reich": "au moins une partie du mouvement ne recule pas devant la violence grave, pouvant aller jusqu'à l'homicide". Un mois plus tard, un ancien "Monsieur Allemagne" qui avait remporté le concours de beauté national, et qui s'était proclamé "citoyen du Reich", avait tiré sur des policiers qui voulaient l'expulser de son logement.
Jusqu'ici les citoyens du Reich étaient plutôt connus pour leur capacité de nuisance auprès des administrations. Considérant que l’État allemand est illégitime, ils en contestent toutes les décisions, du simple PV à la délivrance d'un passeport, ils refusent de payer des impôts, d’avoir des papiers d’identité. Certaines petites communes vivent un enfer, assaillies de procédures en tout genre. Mais l’une des cibles favorites de ces extrémistes est l’appareil judiciaire. Certains se rendent dans les tribunaux, rentrent au hasard dans les salles d’audience et contestent la légitimité des juges. Des esclandres vouées à l'échec, mais tout cela ralentit considérablement les procédures.
Le phénomène est tel que certaines régions ont édité des guides à destination des fonctionnaires pour qu’ils sachent comment réagir face à ce genre d’attaques et de contestations. Mais comment traiter avec des gens qui, selon la brochure réalisée par le Land de Saxe-Anhalt (Est), sont imperméables "aux arguments rationnels" ?...