L'héritage nazi, un poison dans les relations entre Berlin et Athènes

Une du journal grec Dimokratia (2012)

Il faut bien le dire, les relations entre l’Allemagne et la Grèce sont très tendues. Et cela n’est pas dû uniquement au duel entre les ministres des finances des deux pays, Wolfgang Schäuble et Yanis Varoufakis, où le premier souhaite imposer au second sa politique d’austérité. Les ressentiments anti-allemands de plus en plus forts en Grèce – on se souvient de l’accueil qui avait été réservé à Angela Merkel lors de sa visite à Athènes en 2012 – ravivent une histoire vieille de 70 ans : la question des réparations pour les crimes de guerre commis par les nazis.

En effet, le régime nazi avait imposé, en 1942, à la Banque Centrale grecque un prêt pour subvenir aux « efforts de guerre » d’un montant de 476 millions de Reichsmark. Jamais remboursé, il est aujourd’hui chiffré à 11 milliards d’euros.

Mais cela ne s’arrête pas là. L’occupation nazie en Grèce fut l’une des plus sanglantes en Europe avec plusieurs massacres similaires à celui d’Oradour-sur-Glane, des pillages et l'appropriation de biens et de nourriture  durant laquelle plus de 500 000 Grecs ont trouvé la mort. Pour le gouvernement d'Athènes, les réparations pour ces crimes s’élèveraient à 162 milliards d’euros, soit la moitié de la dette actuelle du pays. (Certaines sources, comme le journal To Vima, parlent même de 332 milliards.)

Alors pourquoi la Grèce n’a-t-elle jamais rien vu de cet argent ? L’accord de Londres sur les dettes allemandes, signé en 1953, repousse tout remboursement et toute réparation au jour où un « traité de paix » final serait signé. C’est – de fait – le cas en 1990, quand les Alliés signent le traité « 2 + 4 » avec les deux Allemagnes. Le chancelier allemand de l’époque, Helmut Kohl, fait bien attention à ne pas mentionner le mot « paix ». La Grèce ni voit que du feu et approuve tout en oubliant de renouveler sa demande de réparations. Pour l’Allemagne, l’affaire est close et, selon le porte-parole du gouvernement fédéral, « la question a perdu sa légitimité ».

Alexis Tsipras, cependant, demande une réouverture du dossier. Selon lui, le remboursement de 115 millions de marks effectué par les allemands en 1960, suite à un accord de dédommagement avec les pays occidentaux, est resté bien loin de ce qui est dû à la Grèce. Il accuse Berlin d’avoir usé d’astuces légales pour éviter de payer le montant total de ses dettes.

Affirmant que cela n'a rien à voir avec le bras de fer politique actuel et qu'il s'agit plutôt d'un « droit inassouvi », le nouveau Premier ministre grec n’est pas le premier à faire cette demande. Or, il pourrait bien être le plus sérieux. Il menace aujourd’hui de saisir les biens immobiliers de l’Etat allemand en Grèce et de les vendre aux enchères. Les bénéfices reviendraient aux associations de victimes des nazis.

Par Julien Clin.