C'est à n'y plus rien comprendre. Les sénateurs ont adopté lundi 26 novembre un amendement écologiste visant à taxer l'huile de palme lors du débat sur le budget 2013. Ce même amendement, baptisé "amendement Nutella", avait été rejeté mercredi dernier en commission des Affaires sociales à l'Assemblée, dans le cadre du projet de financement de la Sécu 2013 (PFLSS). Au final, cette mesure pourrait de toute façon être repoussée à 2013 et intégrée dans le futur projet de loi de santé publique du gouvernement. Retour sur une reculade (temporaire?) en trois actes.
Acte 1 : Le Sénat adopte l'"amendement Nutella" dans le cadre du PLFSS
Cet amendement socialiste, voté le 14 novembre, prévoit une taxe additionnelle de 300 euros par tonne d'huile de palme, alors que la taxe est actuellement de 100 euros. Concrètement, cette augmentation représente par exemple une hausse de 30 centimes pour un pot géant de Nutella de 5 kg, dont le prix tourne actuellement autour des 37 euros. La purée de pomme de terre en flocons et la margarine, qui contiennent de l'huile de palme, sont également concernées. Cela aurait rapporté de l'ordre de 40 millions d'euros.
Cette huile est accusée de favoriser l'obésité et des maladies cardiovasculaires si elle est consommée de façon excessive [je vous conseille à ce propos de lire l'article de ma collègue Marie-Adélaïde Scigacz sur la question]. Elle a également un impact sur l'environnement, en entraînant notamment une déforestation.
Dès le lendemain du vote au Sénat, l'amendement tombe, avec le rejet du volet recettes du PLFSS, en partie avec les voix communistes.
Acte 2 : Ferrero fait la promotion de l'huile de palme dans la presse
Le groupe italien, qui produit le Nutella, s'offre le vendredi 16 novembre deux pleines pages dans de nombreux quotidiens français. Il martèle que "l'huile de palme n'est pas dangereuse pour la santé". Elle "garantit l'onctuosité" et "permet d'obtenir la consistance souhaitée sans avoir recours au processus d'hydrogénation des matières grasses, qui peut occasionner la formation d'acide gras trans", se justifie-t-il.
Pour rappel, l'huile de palme, très utilisée par l'industrie agroalimentaire, est souvent mentionnée sur les étiquettes comme "huile ou matières grasse d'origine végétale".
L'initiative du Sénat provoque aussi une levée de boucliers jusqu'au Nigeria, où des économistes dénoncent une attaque contre "les petits producteurs africains", et en Malaisie, où le Conseil malaisien de l'huile de palme appelle le gouvernement français à rejeter "une agression sans fondement" menaçant la survie de "petits paysans".
Les députés écologistes avaient bien tenté de reprendre l'amendement des sénateurs. Mais il est rejeté le mercredi 21 novembre lors de la nouvelle lecture du PLFSS par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée. Argument du rapporteur, Gérard Bapt (PS) : il est préférable d'attendre un futur projet de loi de santé publique pour traiter des lipides de manière générale mais aussi du sel, présenté en 2013.
C’est aussi la position défendue par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, le 8 novembre dernier sur Canal + : "Il est normal de s'occuper de l'impact sur la santé de l'huile de palme, mais je ne suis pas certaine que ce soit à l'occasion d'un amendement purement financier que l'on puisse engager le débat", avait-elle expliqué.
Cette version du Budget de la Sécu expurgée de "l'amendement Nutella" a été adoptée par les députés cette nuit. Reste le deuxième examen au Sénat, prévu jeudi. Dans le même temps, comme je vous le disais au début de cet article, les sénateurs ont adopté cette taxe sur l'huile de palme dans le cadre de l'examen du Budget 2013. Mais dans les deux cas, c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot.