Sélectionné pour le Grand Prix d’Angoulême 2018, Emmanuel Guibert n’est pas enthousiaste à l’idée de recevoir la récompense. Pour lui, le dessinateur américain Richard Corben est le plus légitime.
Emmanuel Guibert est en finale. Certains pourraient s’en réjouir. Lui, pas vraiment. L’auteur de La Guerre d’Alan est, avec deux auteurs américains, Richard Corben et Chris Ware, en lice pour la grosse récompense du festival d’Angoulême, le Grand Prix. Ces trois-là ont été choisis par leurs pairs, à savoir tout auteur ou autrice de BD, quelle que soit sa nationalité, dont les œuvres sont traduites et diffusées en français. Mille deux cent trente d’entre eux se sont exprimés par un vote électronique pour choisir ce tiercé. Les artistes déclarant « publiquement leur refus de participer à l’élection » ont été écartés.
C’est le cas d’Alan Moore qui ne veut plus entendre parler de récompense. Il faisait partie des trois sélectionnés en 2016 avec Claire Wendling et Hermann. C’est aussi le cas de Manu Larcenet finaliste avec Chris ware et Cosey en 2017. Sur sa page Facebook, l’auteur de Blast incite ses coreligionnaires à ne pas voter pour lui « souhaitant rester en dehors de l’agitation du festival ». Mais que penser de la position d’Emmanuel Guibert ? Celui-ci avouait dans le journal Le Monde du 8 janvier 2016 qu’il trouvait ineptes les compétitions entre auteurs et les Grands Prix qui les accompagnent. « Pour rompre avec le double inconfort d’être et de n’être pas primé, j’engage quiconque serait tenté de me distinguer à ne le faire qu’à titre posthume », écrit-il. Et d’ajouter non sans humour : « Là, de toute manière, je ne pourrai pas éviter d’être dans une urne ».
Oui mais ça, dites-vous, c’était il y a deux ans. On a connu dans l’histoire d’Angoulême d’autres auteurs qui ont changé habilement d’avis à l’approche de la récompense comme Hermann, Grand Prix en 2016. Pas plus tard que lundi, sur les ondes de France Culture, Emmanuel Guibert ne semble pas avoir changé de point de vue. Dans l’émission La Grande table du 22 janvier, il dit : « Quitte à donner des prix, autant les donner à des pousses prometteuses ou alors à de vieilles dames ou de vieux messieurs qui laissent un patrimoine étincelant ». Avouant au passage qu’il n’aime pas les compétitions pour les métiers artistiques. Et avec une certaine élégance, il cède sa place au profit d’un autre : « Richard Corben a 78 ans. Il était sous mes sapins de Noël quand j’avais 16 ans. C’est quelqu’un à qui je tirerais volontiers mon chapeau en lui affectant un prix à un âge où on est content de les avoir ».
Ces propos ne l’ont visiblement pas fait écarter de la compétition. Il ne refusera pas le Grand Prix s' il lui est remis cette année. Tant mieux. Emmanuel Guibert fait partie de ces grands qu’un festival doit célébrer. Est-ce-que les auteurs auront suivi la consigne du dessinateur du Photographe ? Le deuxième tour s’est achevé dimanche 21 janvier à minuit. Résultat aujourd’hui à 18H (mercredi 24 janvier 2018) lors de la cérémonie d’ouverture du festival. Le nom du nouveau Grand Prix y sera annoncé succédant ainsi à Bernard Cosey.