Le dessinateur suisse n’en finit plus de recevoir les récompenses cette année. Après le Grand Prix d’Angoulême, il entre au dico en compagnie d’un président, de peluches colorées et de deux auteurs de BD.
L’édition 2018 du Petit Larousse n’est pas insensible au 9ème art. Trois auteurs de bande dessinée y font leur entrée parmi la cinquantaine de nouvelles têtes comme Emmanuel Macron, Véronique Sanson, Morgan Freeman ou le handballeur Nicolas Karabatic. En prenant le dictionnaire par la fin, ordre alphabétique inverse, le premier est le scénariste des super-héros, Stan Lee, un Américain, de son vrai nom Stanley Lieber. Il est le créateur des plus grandes stars de Marvel comme Spiderman, les X-Men ou les 4 Fantastiques. Boosté par le succès des films de super-héros qui envahissent les salles obscures, il a gagné sa place au panthéon de papier.
Le deuxième a aussi fait du cinéma. Il s’agit d'Alejandro Jodorowsky. De ses origines franco-chiliennes, il a conservé un accent qui fait rouler les R. Créatif et touche-à-tout, il a été poète, romancier, acteur et réalisateur. Il a signé le scénario de bandes dessinées de SF devenues des monuments. L’Incal avec Moebius, La Caste des Méta-Barons avec Juan Giménez ou Les Technopères avec le dessinateur Zoran Janjetov. Génial.
Le troisième est Suisse et n’a fait que de la BD. Mais Bernard Cosendai, dit Cosey, le fait très bien. En auteur complet, au scénario comme au dessin. Sa série Jonathan est la colonne vertébrale de son parcours créatif. Des romans graphiques comme A la recherche de Peter Pan ou Le Voyage en Italie ont mis en lumière la grande sensibilité graphique et narrative de cet artiste voyageur.
En passionné de la BD, vous vous dites peut-être que trois entrées, ce n’est pas beaucoup. Et bien si car la concurrence est rude. Les personnalités sélectionnées proviennent de tous les milieux. De l’anthropologie aux mathématiques en passant par la cuisine ou l’architecture. En plus, nos trois auteurs sont bien accompagnés cette année avec la romancière Marie Darrieussecq, la danseuse Aurélie Dupont ou le cinéaste John Carpenter. Sans oublier évidemment les Bisounours. Par comparaison, le concurrent direct du Larousse, Le Petit Robert, n’a ajouté pour 2018 qu’un seul auteur de BD, Willem, autre Grand Prix d’Angoulême (en 2013). Cosey lui fait son entrée par la grande porte avec cette édition 2018 spéciale du Petit Larousse qui marque les 200 ans de la création du dictionnaire.
Bernard Cosendai, dit Cosey, dessinateur et scénariste suisse de bande dessinée… Qu’est-ce-que ça vous fait de lire votre nom dans le Petit Larousse ?
Cosey : Cela amuse l’ancien mauvais élève que j’étais. Dans mes souvenirs, seuls les premiers de la classe recevaient les dictionnaires comme récompense. Moi, j’ai eu une scolarité assez médiocre et les dictionnaires je les voyais de loin. Sous ma table, j’avais plutôt des Lucky Luke et des Spirou. Alors ça me fait sourire et ça m'a fait plaisir aussi.
Vous rentrez avec une cinquantaine d’autres personnalités. Certaines très médiatisées comme le nouveau président français…
C’est un homme politique et cela ne me fait ni chaud ni froid. Je ne suis pas concerné par cette relation. J’ai suivi la série des élections de loin. D’une manière générale, je ne suis pas intéressé par la politique en France comme en Suisse. Un peu plus par celle internationale. J’ai peut-être tort.
Vous êtes quand même bien accompagné avec Jodorowsky et Stan Lee, non?
Je ne vais pas sur le même terrain que Jodorowsky mais je l’apprécie lui et son travail. Ce qu’il a réalisé est tout à fait respectable. Stan Lee est quelqu’un qui a compté dans la BD et pour des millions de lecteurs. Même si moi, je n’ai jamais été super-héros. Je vous l’ai dit, j’ai toujours été très Spirou.
Votre actualité, c’est aussi une très grande fresque que vous venez d'inaugurer à la fin du mois de mai?
Oui, c’est un mur peint à Lancy près de Genève. Un cabinet d’architectes m’a contacté pour couvrir une façade d’un bâtiment qui n’avait aucune ouverture. C’était idéal. Au départ nous avions imaginé un travail original mais finalement, nous avons repris la couverture d’A la recherche de Peter Pan que j’avais faite en 1984. Elle s’inscrit bien dans le décor et convenait à tous.
Et puis, à l’automne, un nouvel album graphiquement inédit pour vous ?
Entièrement en noir et blanc, sans hachures, ni gris ou dégradés. Une fiction de 100 pages qui se passe au XXe siècle et qui sera éditée par Futuropolis.
Avec des personnages qui sortent des standards de la BD…
Oui, ils ont plus de 60 ans. Je voulais sortir du cliché du héros trentenaire. Ils ne sont pas pour autant gagas ou impotents. Je les ai choisis âgés parce que j’aime bien raconter ce que je connais. C’est aussi une histoire d’amour comme toujours. Je ne peux pas m’en empêcher. Parler de nos sentiments me passionne, ça restera plus longtemps que la politique.
Le Petit Larousse illustré 2018. 30 € (disponible au mois de juin 2017).