C’est une page méconnue de sa vie mais le critique a réalisé trois albums de BD. Jack Domon, dessinateur et coauteur, se souvient de cette joyeuse collaboration qui mettait en cases et en bulles le pourfendeur de la malbouffe.
Entre le critique gastronomique et la BD, ça a commencé comme chat. A l’origine du projet, Philippe Geluck qui était avec Jean-Pierre Coffe copain comme cochon. Pour vous en convaincre, je vous mets en lien l’hommage de Geluck, sur le plateau du journal de 13H de France 2, à son ami décédé il y a une semaine. Le créateur du chat a joué les entremetteurs entre Louis Delas, le directeur de Casterman et Jungle en 2007, Coffe et celui qui allait devenir le dessinateur de la série Jack Domon.
Jack Domon, votre collaboration avec Jean-Pierre Coffe a débuté autour d’une bonne table…
J.D. : « Jean-Pierre avait envie de communiquer sa passion auprès des jeunes. Il regrettait jusqu’alors de n’avoir rien fait en direction des enfants. Geluck l’avait convaincu que la bande dessinée serait le bon média pour ça. Il l’a mis en contact avec le directeur des éditions Casterman. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé autour d’un bon repas, chez Jean-Pierre, dans sa maison en Eure-et-Loir pour discuter de ce projet qui lui tenait vraiment à coeur. »
Jean-Pierre Coffe était aussi connaisseur en BD qu’en gastronomie ?
J.D. : « Pas du tout, il ne connaissait rien à la BD. Il a même fallu trouver d’autres mots que cases ou bulles pour lui expliquer ce que nous voulions faire. Encore une fois, son idée à lui était de transmettre aux enfants. D’attaquer la malbouffe à la base. D’éduquer pour que les jeunes grandissent avec cet apprentissage et gardent ça toute leurs vie. »
Comment se passait alors le travail entre vous, l’auteur de BD, et lui, le nul en BD mais l’expert en cuisine ?
J.D. : « Les albums se partageaient entre des planches de BD où je le mettais en scène et des recettes simples, bonnes et qualifiées d’inratables. Les planches permettaient aux lecteurs d’apprendre sur l’origine des produits de base comme le sucre ou le blé. Je travaillais à partir de la tonne de textes qu’il avait rédigée et dont il se servait pour ses chroniques à la radio. J’essayais de synthétiser tout ça, d’être didactique et humoristique à la fois. Il pouvait corriger ici ou là quelques détails mais il me faisait entièrement confiance sur la partie BD. Quant aux recettes, il les avaient toutes testées, faites et refaites. Moi, je me contentais de les illustrer. »
C’est ainsi que vous avez transformé Coffe en personnage de BD. Comment trouvait-il son double de papier ?
J.D. : « Ça l’amusait beaucoup de se voir dessiné. Au début, je le dessinais un peu rude, sévère. Et un jour, j’ai eu le déclic. J’ai pensé à Mister Magoo, un personnage de dessin animé des années 70-80. Un petit grand-père, intemporel, universel, au caractère souriant, à la bouille rondouillarde et avec des lunettes. Ça lui a plu. A la fin, je pouvais le dessiner les yeux fermés. »
Vous aviez trouvé la recette gagnante ?
J.D. : « Le premier album s’est très bien vendu. Il y avait beaucoup de monde pour les séances de dédicaces. C’était de la folie. Au Havre, je me souviens, 200 personnes attendaient. Tout cela a beaucoup plu à l’éditeur qui nous a commandé un autre volume très vite. Dans l’euphorie, on s’est alors un peu précipité. Nous avons fait le deuxième avant l’été. Il était peut-être moins abouti et il s’est moins vendu. C’est dommage, il a fait de l’ombre au troisième pour les fêtes de fin d’années qui était super. Jean-Pierre et moi avons été très déçus que l’aventure s’arrête là. »
La série s’achève en 2008 mais pas votre amitié ?
J.D. : « Il était à l’écran comme il était dans la vie. ll ne surjouait pas. A aucun moment il a dit que c’était ses bouquins. Il me citait toujours, me mettait en valeur. Nous sommes restés en contact après, il voulait me refaire travailler sur des projets. Jean-Pierre était très chaleureux, proche des gens. Il était profondément humain et fabuleusement gentil. »
Les recettes de Jean-Pierre Coffe. Trois volumes édités mais épuisés chez l’éditeur Jungle. Il vous reste la marché de l’occasion pour vous les procurer.