Au programme du 43ème festival d’Angoulême, en vedette, le dessinateur d’Akira, Katsuhiro Otomo, Morris le créateur de Lucky Luke et le prix Charlie Hebdo suspendu pour l’année 2016 après les attentats de Paris.
Les organisateurs d’Angoulême ont vraiment à cœur d’ajouter une dimension à l’art en 2D de la bande dessinée, à savoir la dimension internationale. A la Maison de la culture du Japon à Paris où s’est tenue la présentation officielle le 15 décembre, il y avait un émissaire du Ministère des affaires étrangères. Olivier Poivre d’Arvor, chargé de mission auprès de Laurent Fabius, a annoncé qu’il accordait au festival le label « Grand Tour ». Une récompense regroupant une trentaine de manifestations en 2016 et censée illustrer et valoriser de par le monde « l’attractivité culturelle française ». Honneur bien mérité ou médaille en chocolat ? Nous en saurons peut-être un peu plus lors d’un forum « France, made in culture » organisé le 9 mars prochain à Paris.
Plus tangible est la venue d’un maître japonais du 9ème art, le créateur d’Akira, Katsuhiro Otomo. Akira est un manga post-apocalyptique des années 80, gros succès en librairie où chacun des tomes s’est vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Il a été adapté en film d’animation. Une exposition se tiendra dans les caves du théâtre d’Angoulême où plus de 40 auteurs internationaux lui rendront hommage. Théâtre habillé de son œuvre et qui sera le lieu d’une rencontre avec le public. Un one mangaka show où l’auteur a carte blanche, seul en scène pendant deux heures (samedi 29 janvier à 14h00). Et rouge comme la cerise sur le gâteau, sera présentée au public la moto de Kaneda, un des personnages du manga. Exemplaire unique et en provenance directe du Japon. Les fans vont adorer. Ils pourront même chevaucher le bolide et se faire photographier avec le blouson du héros.
Et l’exposition Morris dans tout ça, recentrage sur les valeurs sûres de la BD franco-belge ? Non car le poor lonesome cowboy s’affranchit des frontières. Et pas seulement parce-que les Dalton chevauchent les plaines du Far West et non celles de la campagne berrichonne. Morris, auteur discret s’effaçant presque devant le héros qu’il a créé, est à l’origine de beaucoup d’inventions et aussi d’imports en BD. Ses sources d’inspiration vont d’Hergé à Walt Disney en passant par le magazine américain satirique Mad. Le belge Maurice De Bevere, alias Morris, a d’ailleurs vécu plusieurs années aux Etats Unis. Alors oui, avec plus de 70 albums dessinés traduits en 29 langues, Morris est un auteur international. L’exposition au Musée de la bande dessinée d’Angoulême présentera plus de 150 planches, pour certaines inédites. Elle sera accessible au delà du festival jusqu’au 18 septembre 2016.
Enfin, comment ne pas voir aussi une dimension tragiquement internationale à la tuerie de Charlie Hebdo et aux attentats du 13 novembre? L’édition 2016 du festival d’Angoulême ne devrait pas décerner de prix Charlie Hebdo de la liberté d’expression. « Si nous attribuons ce prix de manière traditionnelle cette année, nous faisons courir un risque au récipiendaire. Et puis les attentats de Paris ont été très traumatisants pour nos interlocuteurs à Charlie Hebdo. Ils ont replongé, certains ont même disparu » explique Franck Bondoux, délégué général du festival. Le prix va donc s’éclipser cette année pour réapparaitre normalement en 2017 sous une autre forme. Laquelle ? « Il s’agira toujours de défendre la liberté d’expression. Nous en avons discuté avec Reporters sans frontières et nous cherchons une autre approche avec eux» ajoute Franck Bondoux. L’idée qui se murmure serait peut-être par l’entremise de ce prix de braquer les projecteurs sur ceux qui restreignent les libertés d’expression. La « récompense » irait aux oppresseurs. Bien fait.