En avant-première du festival d’Angoulême, le maître mangaka, Katsuhiro Otomo, a fait une escale à Paris pour une conférence de presse dans l’auditorium du musée du Louvre. Le créateur d’Akira a parlé des femmes, du vin et de la bande dessinée…
Costume noir et lunettes cerclées, Katsuhiro Otomo entre dans l’auditorium avec à peine une demi heure de retard. Ce sera la seule petite entorse aux bonnes manières. L’auteur, avec une courtoisie toute japonaise, s’est prêté au jeu des questions- réponses pendant plus d’une heure. Le ton est posé, la tenue irréprochable. Tout premier Japonais à avoir reçu le Grand prix, Otomo se dit très honoré d’avoir reçu la récompense en 2015. « La dernière fois que je suis venu à Angoulême, c’était il y a 12 ans. Ce festival me faisait rêver, j’y ai découvert beaucoup d’auteurs. J’ai la chance cette année d’en avoir fait l’affiche », explique le dessinateur. Une affiche qui, incontestablement, compte parmi les plus belles réalisées pour le festival. Imprégnée de noirs, de blancs et de gris, l’oeuvre exhibe une sobriété de teintes à l’encre de chine en contraste avec les détails du trait.
Pas d’expo d’Otomo mais une expo autour d’Otomo. Le mangaka ne souhaitait pas qu’il y ait accroché aux cimaises d’Angoulême ses planches ou ses dessins, « J'ai refusé l’idée », précise-t-il. Alors il y aura une exposition-hommage réalisée par 42 auteurs dont Juan Gimenez, Liberatore ou Jirô Taniguchi. Otomo n’a vu encore aucun de ces hommages dessinés. Il les découvrira à Angoulême, juste avant l’ouverture officielle du festival. Une rencontre avec le public, samedi à 14h au théâtre d’Angoulême est aussi au programme. Il y dévoilera pendant plus de deux heures les arcanes de son oeuvre.« Je ne suis pas certain de réussir cette conférence », confie Otomo avec une pointe d’angoisse pour un auteur qui n’est pas coutumier de l’exercice en public.
Sur la production franco-belge de bande dessinée, l’auteur répond toujours par bienséance qu’il n’est plus très au fait de l’actualité du 9ème art. Il n’empêche que les noms de Bilal, Schuiten, de Crécy ou Kerascoët lui viennent facilement en tête quand on lui demande ce qu’il apprécie chez nous. Appréciés aussi le bon vin et les fromages en réponse à une question sur ce que le Japonais Otomo recommande de notre pays en dehors de la BD. Enfin, ne pouvait être écartée de cette rencontre avec la presse la polémique de l’édition 2016. A savoir l’absence totale d’auteurE dans la liste initiale des sélectionnés pour le Grand prix et le coup de gueule de plusieurs grands noms de la BD sur ce manquement. Et ce sont mes consoeurs qui ont abordé le sujet. Visiblement, l’auteur d’Akira n’était pas au courant des faits et méfaits tant il est apparu surpris par les questions. « La différence entre homme et femme n’a pas d’intérêt dans un processus créatif, dans les mangas. Il faut juste que les oeuvres soit intéressantes, l’important c’est le talent », a répondu Otomo.
En coulisse, juste après la conférence, l’auteur a rapidement cherché à connaître l’à-propos des questions. Les organisateurs, un brin embrassés, ont répondu qu’il n’y avait en Europe qu’un faible pourcentage d’auteurs féminins. Ceci justifiant cela… un peu court comme explication. Otomo, lui, remettra le Grand Prix aujourd’hui peut-être à une femme à la médiathèque d’Angoulême à 18h30. Claire Wendling est une des trois finalistes, avec Hermann et Alan Moore, à la récompense suprême de cette 43ème édition du festival international de bande dessinée.
(Photos © F. Forget, Paris, 25/01/16)