Auteurs et éditeurs français n’hésitent plus à faire des mangas. Série populaire, récit d’auteur ou album jeunesse… il souffle comme un vent nippon sur la production française.
Une maison d’édition, plus connue pour éditer Tintin que des mangas, a pour projet d’adapter en bande dessinée une série populaire et romanesque française. Les auteurs retenus cogitent et reviennent vers elle avec l’idée… d’un manga. L’éditeur, Casterman, approuve et donne ainsi le jour à la première adaptation française en bande dessinée d’Angélique. La Marquise des Anges, tiré du roman à succès d’Anne Golon, récit historique dans la France du 17e siècle qui n’a d’ailleurs pas grand chose à voir avec les adaptations libidino-culcul faites au cinéma dans les années soixante.
« Nous sommes d’une génération qui a assimilé tous ces genres. Nous avons lu beaucoup de mangas, de BD et de comics. Je crois qu’il fallait aller vers le manga pour le découpage en feuilleton et le rythme de parution que nous souhaitions » explique le scénariste Olivier Milhaud. Une gymnastique des styles que l’auteur pratique avec aisance. Il vient de publier chez Delcourt, Explicite, carnets de tournage, dessiné par Clément C. Fabre dans un genre qui n’emprunte rien au Japon. Pour Angélique, pas de volonté de transgression, ni d’exotisme mal placé. L’ouvrage est une adaptation fidèle du roman mais qui emprunte d’autres codes que ceux de la BD franco-belge. Ce peut être un peu déroutant au début pour qui n’est pas lecteur de manga. Mais le mélange sucré-salé fonctionne bien pour ces jeunes auteurs biberonnés aux films d’animation japonais.
La mixité des styles n’est pourtant pas qu’une histoire de génération. Dans La République du catch, Nicolas de Crécy a pré-publié au Japon avant de sortir l'album simultanément en France et au Japon. Un polar fantastique où l’association d’un minus, d’un manchot et de fantômes fait vaciller la mafia sicilienne. L’auteur de Léon la Came et de Période glaciaire n’est pourtant pas de la génération Naruto. Il confesse qu’il a lu peu de mangas. En fouillant un peu, on découvre que l’auteur est « friand de mythologie japonaise », qu’il affectionne leur dynamique du récit, leur mise en scène. Les monstres de Nicolas de Crécy pourraient sortir d’un album de la série Kitaro de Shigeru Mizuki. « L’idée était de faire quelque chose d’international avec des personnages et des situations portés par des thématiques familières au Japonais » raconte Nicolas de Crécy. Une convergence qui souligne l'actuelle porosité des frontières entre BD et manga. Les auteurs se connaissent et se reconnaissent. Ce sont des mangakas qui ont conseillé à leur rédacteur en chef de publier La République du catch.
BD et Manga, il n’existe plus d’éditeurs majeurs n’ayant pas intégrer à leur catalogue les deux gammes. L’éditeur Bamboo a choisi une troisième voie. Sa nouvelle collection jeunesse, Bamboo au carré, propose aux lecteurs pour un même titre les deux versions, manga et classique. En 140 pages, noir et blanc et 8 euros pour la première. Et en 80 pages couleur à 15 euros pour la seconde. Graphiquement, le style ne change pas. Seuls les découpages et les cadrages varient. L’expérience d’une double lecture est ici décevante. Trop peu sépare les deux déclinaisons. La fusion ici lisse, sinon affadit, le récit dans chacun des styles. Le jeune lecteur tranchera. Probablement en fonction de ses habitudes de lecture. Et à ce jour, la version la plus populaire, sur les deux titres déjà parus, reste la version BD.
Angélique, Dara & Milhaud / Editions Casterman. 11 €
La République du catch. Nicolas de Crécy / Editions Casterman. 20 €
Bamboo au carré. Deux titres au catalogue : Isaline (L'Hermenier et Yllya) et Appa (Thomas Bonis et Dav). 8 ou 15 €.