De nombreux auteurs BD ont découvert avec stupéfaction les réactions des internautes après leur manifestation à Angoulême. Ils sont consternés ou se sentent blessés par les commentaires d’un public qu’ils ont assimilé un peu trop vite à leur lectorat.
Ils étaient plus de 500 auteurs de BD à défiler samedi dans les rues du festival pour dénoncer la précarisation de leur profession. Un mouvement qui ne plaît pas à tout le monde à en croire les internautes qui ont réagi sur les sites des médias généralistes. Les commentaires sont sévères et majoritairement négatifs. « Vous ne vivez pas de vos bulles ? Arrêtez de buller ou organisez-vous pour ne pas vous faire tondre par vos éditeurs. Mais de grâce, ne réclamez pas d'être pris en charge par la société » peut-on lire en commentaire d’un article sur Lemonde.fr. Pas mieux sur RTL.fr : « On est bon, on gagne de l’argent. On n’est pas bon, on fait autre chose mais on ne vit pas de subventions, c'est honteux ». Idem sur 20minutes.fr : « Tout le monde ne peut pas vivre de sa plume ou de son crayon. Il y a longtemps que les poètes savent cela! ». Je vais m’arrêter là mais force est de constater que les internautes ne font pas preuve d’une empathie démesurée.
Les cases vides de l'affiche du festival détournée par les auteurs en colère
En réaction, les auteurs BD se sont épanchés eux aussi. D’ailleurs plus abondamment sur les réseaux sociaux que sur les sites d’information où ces commentaires ont fleuri. « Chers camarades auteurs, je comprends que vous soyez affligés, voire même blessés à titre personnel » écrit Richard Marazano dans un long message sur Facebook. Parfois, le ton est plus vif. « Alors par pitié : avant de donner son avis comme un chien pisse sur le premier réverbère qui passe, on se renseigne !!! » se lamente Bruno Duhamel. Et je vous passe les réactions les plus vives garnies de joyeux noms d’oiseaux. En quelques jours, le couple auteurs-public semble tourner au vinaigre. Que s’est-il donc passé ?
Sur le site de RTL.fr, les internautes n'ont pas toujours été tendres avec les auteurs BD.
Et bien rien. Certains auteurs ont peut-être fait preuve de naïveté en pensant que les internautes commentant les articles sont les mêmes que ceux qui patiemment attendent leur dédicace dans un festival BD. Qu’il n’y a rien d’extraordinaire à ce que les mécontents (anonymes) sur internet soient plus nombreux à s’exprimer, plus véhéments qu’une possible majorité silencieuse ou bienveillante. Qu’en regardant de plus près ces commentaires, on constate que les râleurs ignorent précisément le contexte et ce que les auteurs revendiquent. Et c’est peut-être là le problème. La surproduction, les cotisations sociales, les revenus en baisse, avec ou contre les éditeurs… la grogne est multiple et pas toujours facile à cerner pour ceux qui n’en sont pas. Alors avec un peu de pédagogie et une meilleure communication, les rangs des ronchons pourraient se clairsemer. Mais pas disparaître, dans un conflit social, on ne fait jamais l’unanimité.
