Aimer, boire et chanter, l’interview de Blutch qui a fait l’affiche

Blutch (Paris, mars 2014, photo © Francis Forget)

En vrai passionné de la bande dessinée, Alain Resnais a fait appel à de grands auteurs pour réaliser les affiches de ses films. Floch, Bilal et Blutch, qui a dessiné celle du dernier long métrage du réalisateur disparu il y a un mois.

Comment s’est passé votre travail avec Alain Resnais pour Aimer boire et chanter ?

Il a fallu faire l’affiche très vite, en un mois, car le film a été sélectionné pour le festival de Berlin. Alain disait qu’il voulait qu’elle soit «cartoonish». Je n’ai pas utilisé de pastels, j’ai fait un dessin au pinceau, bien cerné.

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Ce n’était pas une première pour vous, puisque vous avez réalisé déjà les affiches de ses précédents deux derniers films, Les Herbes folles et Vous n'avez encore rien vu...

Mais ça ne s’est pas toujours fait avec la même précipitation. Pour les Herbes folles, ça a même été très long, plusieurs mois. J’avais une première version avec un dessin de nuit, Alain m’a demandé d’en faire un de jour.  Il m’a demandé de raccourcir l’herbe qui était trop haute à son goût. J’amenais les idées mais nous discutions beaucoup pour affiner le dessin.

C’est cette passion du dessin qui l’a amené vers la bande dessinée ?

Alain était un obsédé de la BD. Les conversations que nous avions sur la BD tournaient essentiellement autour du dessin et très peu sur le récit. Il me sollicitait toujours sur ce qu’il avait lu ou commandé. Je me souviens, une fois, à la maison, il a passé des heures, allongé sur un lit, à regarder plein de trucs. Il était très attentif au dessin.

Blutch (Paris, mars 2014, photo © Francis Forget)

Quels étaient ses auteurs préférés?

Ce sont les BD de sa jeunesse. Les auteurs américains des années 20, 30 comme Roy Crane ou Frank King. Il avait une réticence pour la BD dite franco-belge. Hergé ne le touchait pas, Franquin était trop exubérant pour lui et Blake et Mortimer, trop récent, n’entrait pas dans son histoire. Son attachement viscéral à la BD est à chercher du côté de son enfance, comme beaucoup de lecteurs. Adulte, on pourchasse la  BD qui, enfant, nous a fait décoller. Seulement après, ce n’est jamais pareil.

Allez-vous continuer à faire des affiches pour le cinéma?

Je travaille actuellement avec Mathieu Amalric pour son prochain film mais je ne me sens pas affichiste. Ce n’est pas mon métier, je fais ça en amateur. Je suis avant tout dessinateur de BD et j’aime faire des histoires.

Les herbes folles Vous n'avez encore rien vu 2

Exposition des affiches de Blutch pour les films d'Alain Resnais à la Galerie Barbier & Mathon à Paris (jusqu'au 02 avril). Les planches de son dernier album, Lune l'envers (Editions Dargaud), y sont aussi exposées.