J'avais tout prévu : réservé la voiture une semaine à l'avance, acheté mon ticket à 8,50 euros sur internet et préparé les Figolu pour la pause petit déj' sur l'autoroute. Nous étions dimanche matin et j'avais mis mon réveil à 8h30 pour aller voir Interstellar en copie pellicule 70 mm au Grand Mercure d'Elbeuf (Seine-Maritime), seul cinéma de France à proposer ce format de bobine plébiscité par Christopher Nolan. Près de 2h30 de route, c'est long, mais quand on aime... (j'avais déjà vu le film deux fois à Paris). Sauf que les êtres du bulk en ont décidé autrement.
La séance en VO est prévue à 14 heures. Salle presque vide, ce qui n'est pas très surprenant : Elbeuf est une ville populaire en périphérie de Rouen, où le temps semble s'écouler avec difficulté. Pas forcément le genre de clientèle pour un obscur film de science-fiction de 2h49, diffusé un jour de Coupe Davis qui plus est.
Je prends place dans la jolie salle 1, les bandes-annonces défilent, tiens La Famille Bélier ça n'a pas l'air si nul, aïe le doublage VF de Jennifer Lawrence dans Hunger Games... Jusqu'au message fatidique : "En raison d'un problème électrique, Interstellar sera diffusé en format numérique, toutes nos excuses." Petit vertige, je me remémore chaque kilomètre de l'autoroute A13 parcouru deux heures auparavant dans ma petite Fiat 500. VDM.
Loi de Murphy en Haute-Normandie
Heureusement, l'équipe du Grand Mercure est compréhensive et tente de réparer la machine avant la séance suivante, prévue à 17h30. Le patron revient en urgence de Paris, le directeur technique rapplique de Fécamp. A 16h45, il faut se rendre à l'évidence, le problème ne sera pas résolu aujourd'hui car la pièce qui a cramé n'est pas disponible en double. "La loi de Murphy ne veut pas dire que les choses négatives se produisent forcément, elle signifie juste que ce qui peut arriver arrivera", raconte Cooper à sa fille Murphy, au début d'Insterstellar. Je suis en plein dedans.
Pour que ma journée ne soit pas 100% nulle, je demande au gérant de me montrer la cabine de projection et la fameuse pellicule de 7 centimètres. J'ai un peu l'impression d'être un enfant arrivé chez Disneyland un jour de grève et qui aurait quand même pu visiter les attractions à l'arrêt. Pas si mal. Voilà à quoi ce "film" ressemble : il est deux fois plus large qu'une pellicule 35 mm et est perforé de cinq trous sur les côtés, au lieu de quatre en temps normal. Le son et les sous-titres sont, eux, projetés en version numérique. Pour ce qui est de la qualité de l'image, en revanche, cela restera un mystère.
Le film sera encore projeté en 70 mm pendant trois semaines à Elbeuf, à des horaires contraignants. Pour ma part, je ne pourrai sûrement pas m'y rendre de nouveau, et j'en suis bien attristée. Interstellar n'est peut-être pas le 2001 du XXIe siècle, mais sa beauté visuelle doit être encore plus intense avec ce format à l'ancienne, en très haute définition. Je remercie quand même le gérant, Richard Patry, d'avoir remboursé mes frais de transport à la suite de cet imprévu, et aux employés de m'avoir offert le thé pour patienter. Malgré cette mésaventure, je dis bravo au Grand Mercure de soutenir l'existence d'un format si singulier et fragile.
Si vous avez eu l'occasion de voir Interstellar en pellicule 70 mm, venez raconter votre séance dans les commentaires !
A lire aussi sur le blog Visionarium : un très bonne synthèse sur les différents formats de projection pour Interstellar.
Crédits de la première photo : Warner Bros.