Le dernier long-métrage du réalisateur français Michel Gondry, The We and the I, est un huis-clos ambulant qui se déroule entièrement dans un bus. Si le scénario est loin d'être étriqué (des adolescents se cherchent, dans tous les sens du terme), le lieu de tournage, les blablas ahurissants et les subtilités de raccords entre les séquences (le soir tombe progressivement) en fond en soi un objet cinématographique à part.
Gondry, c'est un peu notre Tarantino à nous. On l'imagine facilement se doucher avec une caméra vissée sur le front ou parler prise de vue au petit-déj avec son gosse de 4 ans (j'ignore s'il a des enfants). Certes, il est loin d'être mon cinéaste préféré (j'ai très mal digéré La Science des rêves ou Be Kind, Rewind), mais Michel Gondry est indéniablement un réal attachant, en plus d'être sur-qualifié. Son interview dans Les Cahiers du cinéma de septembre le confirme.
Du 15e arrondissement de Paris au Bronx
Dans ce long entretien, un paragraphe a retenu mon attention : celui dans lequel il raconte comment lui est venue l'idée du film-bus (page 43, si vous avez la flemme de tout lire) : "C'était dans le bus 80, dans le 15e arrondissement, donc pas du tout dans le même milieu" que le Bronx, où se déroule son dernier film. La ligne 80 relie Porte de Versailles à Jules Joffrin. "Les gens sont arrivés ensemble et ils se sont divisés selon la géographie. J'ai compris beaucoup de choses. Moi j'habite dans le 18e. C'est une ligne qui est très longue et très variée, comme le métro qui passe à Barbès puis à l'Etoile, dans les beaux quartiers".
Celui qui va encore au vidéoclub comme un cinéphile anonyme a donc mis 25 ans à donner vie à ce projet, né lors d'un seul voyage sud-nord dans Paris. Ce dispositif lui permet de scruter l'évolution des conversations, en fonction de la dimension du groupe. Noyés dans la masse, les adolescents ne sont que des boules d'énergie sans grande personnalité. En face-à-face, ils se révèlent capables de subtilité et de douceur. Le bus se révèle peu à peu un chaudron géant dans lequel Gondry cuisine ses personnages, amoureusement.
Et sinon, un peu de lecture : "Les superbes clips de Gondry", sur ce blog.