Rover, le rockeur mélancolique qui électrise "Tonnerre"

Vincent Macaigne à la guitare dans 'Tonnerre", de Guillaume Brac.

Sur la couverture de son album, Rover ressemble un peu à la Bête du conte, avant métamorphose : des habits de duc, une chevelure à la Caspar Friedrich et un regard infiniment tendre. Le chanteur français, qui s'est fait connaître du grand public en 2012 grâce notamment à la chanson Aqualast, revient sur grand écran, avec la musique originale de Tonnerre, premier long-métrage de Guillaume Brac (Un Monde sans femmes). Ce film sorti fin janvier raconte l'histoire de Maxime (Vincent Macaigne), un auteur-compositeur de rock qui quitte Paris pour Tonnerre, village frigorifié du Morvan où il espère retrouver calme et inspiration... jusqu'à ce qu'il tombe amoureux d'une journaliste de L'Yonne aux traits poupons (Mélodie, interprétée par Solène Rigot).

"Le romantisme, ça peut vous coûter cher"

La musique de Rover s'accorde délicatement avec le film de Guillaume Brac, à la fois drôle et désabusé. "J’ai composé après notre rencontre, sans lire le scénario, raconte Rover dans une interview aux InrocksEt quand je l’ai lu il se trouve que ça correspondait parfaitement." Il ne s'y trompe pas. Ce colosse à la voix aérienne se définit lui-même comme "un grand romantique", thème qui hante le film : "C'est peut-être très romantique, mais ça peut vous coûter cher", lance un gendarme à Maxime, après son pétage de plombs. Guitare plaintive, synthé tourmenté, le style de Rover habille les scènes avec charme, comme une ombre glacée qui rôde entre les murs. A plusieurs reprises, Vincent Macaigne joue lui-même la partition de Rover à la guitare, d'abord seul, puis en duo avec son père dans le film, preuve que les deux hommes se sont rabibochés (géniale scène avec Bernard Menez).

"Ce n'est pas un film qui baigne dans la musique. Celle-ci arrive à des moments ponctuels pour décharger l'émotion qui a été emmagasinée, développe le réalisateur, dans un entretien à L'YonneJe tenais à ce que les paroles des chansons soient en anglais. Le film est déjà tellement français, ancré dans une petite ville de province. La musique vient en contrepoint et rend ça plus universel." Ici et là, on retrouve des sonorités proches de la chanson Silver : idéal pour décrire un monde froid, glissant, où chaque humain tente d'adhérer aux choses et de se réchauffer comme il peut (auprès d'une petite amie, d'un chien, d'une vidéo de Roland Garros sur YouTube).

Hannibal

Destins croisés

Le choix de Rover paraît d'autant plus pertinent que son histoire personnelle n'est pas sans rappeler celle du personnage principal de Tonnerre. Fils d'expatrié ayant vécu près de dix ans aux Etats-Unis et trois au Liban, Timothée "Rover" Régnier a posé ses valises au fin fond de la Bretagne pour composer son album, il y a quelques années. Seul dans une maison familiale. "Une vieille demeure bretonne de 1701, dans les Côtes-d’Armor près de Bréhat, précise-t-il à Libération. J’étais seul, je voulais me voir nu, savoir ce que je valais." Un exil qu'il espérait revigorant, comme Maxime. "J’aime quitter Paris, j’aime aller ailleurs, j’aime le sentiment d’aventure. En revanche, quand je voyage, je suis souvent seul, je m’installe d’une façon très anonyme dans une ville. J’aime être solitaire."

C'est tout le paradoxe des romantiques, aimer la solitude, puiser l'inspiration dans l'adversité ("C'est à mes malheurs que je prétends sourire", écrit Alfred de Musset, cité dans Tonnerre) mais dépendre des autres, comme un artiste de son public. Guillaume Brac a d'ailleurs tourné une scène de concert avec Rover et son groupe, finalement coupée au montage. "La scène du concert à Auxerre était très belle mais pour des raisons de récit, nous avons coupé ce bloc de 10 minutes", explique le réalisateur à L'Yonne. On devrait la retrouver (avec d'autres passée à la trappe) dans les bonus du DVD. Quant à Rover, il planche actuellement sur son second opus. Entendra-t-on les airs de Tonnerre résonner sur scène, pour sa prochaine tournée ?

Publié par Ariane Nicolas / Catégories : Actu