"Plein soleil" de René Clément : et Dieu... créa Alain Delon

Le cinéma a cela d'exceptionnel qu'il nous permet, par moments, d'assister à la naissance de mythes. C'est le cas avec Plein soleil, de René Clément, sorti en France en 1960 et reprogrammé cet été sur nos écrans, après restauration et numérisation. Titre malicieux et prémonitoire, puisqu'Alain Delon irradie à l'écran tout au long de cette œuvre, et qu'après cela il ne quittera pas le zénith du cinéma européen pendant deux bonnes décennies.

Si vous n'avez pas déjà vu ce film, l'histoire de Plein soleil vous sera sûrement familière, puisqu'il s'agit de l'adaptation du roman Monsieur Ripley, de l'Américaine Patricia Highsmith, également porté à l'écran en 1999 par Anthony Minghella avec Le Talentueux Monsieur Ripley. Alain Delon incarne ce fameux Tom Ripley, crapule "trop intelligente pour être pauvre" qui passe ses vacances avec un milliardaire (Maurice Ronet) et sa compagne (Marie Laforêt) en Italie, jusqu'à ce que... (je préfère ne pas dévoiler la suite).

"Le meilleur"

Si l'expression "homme fatal" existait, elle correspondrait à merveille à Tom Ripley-Alain Delon. Car Plein soleil n'est pas qu'un thriller haletant, magistralement mis en musique par Nino Rota. Quatre ans après Et Dieu... créa la femme, de Roger Vadim, le cinéma découvre le versant masculin de Brigitte Bardot. Gracieux sauvageons d'extraction modeste, les personnages qu'ils jouent dans ces deux films sont des plantes vénéneuses aux dehors d'orchidées. Irrésistiblement dangereux.

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Comment décrire le magnétisme d'un acteur ? Alain Delon n'a pas seulement les plus beaux yeux du cinéma français, il a aussi le sourire le plus énigmatique, l'allure la plus noble, les cheveux les plus racés, la voix la plus manipulatrice, la lascivité la plus érotique... Plein soleil expose chaque parcelle de son corps, jusqu'à un drôle de zoom sur son maillot de bain, avec la fascination la plus décomplexée. Avant le Delon-en-noir-et-blanc de Rocco et ses frères (Luchino Visconti), avant le Delon-au-regard-fixe-avec-un-imper-et-un-Borsalino des années 60-70, il y avait eu le Delon à demi-nu de René Clément, sirène masculine rodant près du rivage lumineux du Sud de l'Italie.

Le réalisateur sait qu'il filme une bombe sur le point d'exploser. Comme par jeu avec le spectateur/la spectatrice, il distille habilement "l'effet Delon" jusqu'à la scène finale, où l'acteur atomise tout. Plus désinvolte que jamais, Tom Ripley s'allonge dans un transat à la terrasse d'un café. Sa commande : "Le meilleur". Il répète ce mot trois fois. "Le meilleur, le meilleur", un peu comme Marlon Brando dans Apocalypse Now ("The horror, the horror"). Triptyque bleu : les yeux, la chemise, le parasol. Il est libre, le monde lui appartient. Alain Delon est bien le meilleur.

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Crédits photos : AFP.

Plein Soleil / Purple Noon

Plein Soleil / Purple Noon

FILM "PLEIN SOLEIL" -(PURPLE MOON) DE     RENE CLEMENT: ALAIN DELON, MARIE LAFORET,

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Publié par Ariane Nicolas / Catégories : Actu