Le film de Kathryn Bigelow sur la traque d'Oussama Ben Laden prend de plus en plus des allures d'affaire d'Etat. Depuis plusieurs semaines, le Sénat américain, la CIA et la réalisatrice sont au cœur d'une polémique sur l'emploi de la torture dans Zero Dark Thiry, sur nos écrans le 23 janvier. Ce film, que je n'ai pas encore vu, s'ouvre en effet sur une longue scène de torture, apparemment indispensable à la localisation de la maison où le chef terroriste était caché au Pakistan. Il y est notamment question de torture à l'eau et d'humiliations sexuelles, détaille le Guardian.
Sauf que, selon plusieurs sénateurs américains, très en colère, cette scène relève uniquement de la fiction. Et ils souhaitent que la CIA, qui tient un double discours sur la question, rende des comptes.
Le rôle de la torture avéré, mais secondaire ?
Après plus de trois ans d'enquête et 6 000 pages de documents rassemblés, ces sénateurs, dont John McCain, ont décidé d'écrire au directeur par intérim de la CIA, Michael Morell, pour qu'il fournisse au Congrès les détails de sa coopération avec la cinéaste. Chose exceptionnelle, les sénateurs somment la CIA de leur montrer tous les documents fournis à l'équipe du film.
Ils lui demandent également, dans ce courrier daté du 31 décembre, de justifier son assertion selon laquelle la torture avait pu jouer un rôle, même secondaire. Michael Morell avait expliqué que si le film exagérait le rôle de la torture, celle-ci avait bien été l'une des sources ayant contribué à la chasse à l'homme.
Voici ce qu'écrivait Michael Morrell le 21 décembre, dans un courrier public :
"Le film donne l'impression que des techniques d'interrogatoire renforcées ont constitué la clé de la réussite. Cette impression est fausse. La vérité, c'est que de multiples sources de renseignement recueillies par la CIA ont permis de conclure que Ben Laden se cachait à Abbottabad. Certaines provenaient de détenus soumis à des techniques d'interrogatoire renforcées, mais de nombreuses autres sources de renseignement provenaient d'ailleurs".
Un fonctionnaire de la CIA condamné pour avoir parlé
Sous le feu des parlementaires, Kathryn Bigelow et le scénariste Mark Boal ont rétorqué que "le film montrait bien qu'aucune méthode n'avait forcément été décisive dans cette chasse à l'homme". Façon de dire que même si la torture n'était pas avérée, elle n'avait de toutes façons pas une place centrale dans le travail des agents secrets.
Il y a quelques jours, rappelle le scénariste, un fonctionnaire de la CIA a été condamné à trente mois de prison pour avoir "leaké" (fait fuiter) des informations à un journaliste, qui n'a pourtant pas publié son article. "En plus de soixante ans, c'est la première fois qu'un agent de la CIA est condamné pour ce type d'acte", explique le Washington Post. Signe d'une crispation globale de l'Agence ? L'affaire de Zero Dark Thirty, en tout cas, est loin d'être terminée.
(Avec agences, et merci @Imtherookie pour ses éclairages)