J'annonce : j'irai voir le film avant The Hobbit, qui sort pourtant le même jour. Et pas pour économiser du temps dans la file d'attente. Les Bêtes du Sud sauvage, j'en entends parler depuis Cannes, où le film a reçu la Caméra d'or (meilleur premier film), donc plus de six mois maintenant. C'est un peu comme si j'avais rencontré l'homme de ma vie sur internet, sans jamais l'avoir vu ni même lui avoir parlé. Je connais seulement son nom et son avatar. Peut-être serai-je déçue, mais je m'en fiche. C'est lui, et c'est tout.

Je fouine donc depuis des semaines sur internet pour voir un peu à quoi ressemble ce film décrit comme "onirique" par la-presse-unanime. Et je suis tombée sur cette vidéo de la Fox, qui aurait sa place sur Buzzfeed : le réalisateur américain Benh Zeitlin explique comment il a fait pour projeter à l'écran les aurochs, animaux imaginaires qui vivent dans la tête de la petite et craquante Hushpuppy (de son vrai nom Quvenzhané Wallis), gamine de six ans coincée entre son cerveau et le bayou.

A la fois pour des raisons budgétaires (il s'agit d'un film "indépendant") et esthétiques, Zeitlin n'a pas souhaité fabriquer des images de synthèse de ces drôles de bêtes. A la place, son équipe a élevé des petits cochons vietnamiens, qui, une fois déguisés, jouaient parfaitement leur rôle de créature mythologique. Selon le blog Pop Omnivore, du National Geographic, qui a interviewé l'assistant réal Ray Tintori, ces porcelets tout mimis étaient au nombre de cinq. Pour leur donner l'air méchant, les "costumiers" les ont recouverts de peau de rongeurs typiques de la Louisiane ("nutria skins"). Mignon / beurk.

"Les aurochs viennent de la pièce originale, écrite par Lucy Alibar, explique le réalisateur dans cette vidéo. Ce sont des signes avant-coureurs de la mort". Selon Hushpuppy, "jadis, les aurochs étaient les rois du monde. Sans les boules de neige géantes ou l'âge de glace, Hushpuppy n'existerait pas. Je serais un petit-déjeuner". Référence à l'image dans laquelle on voit un auroch emprisonné dans la glace, avant que celle-ci ne se brise au cours du film.

Comment les cochons se sont-ils habitués à porter ce costume ? Zeitlin et le responsable des effets spéciaux expliquent qu'il a fallu les habituer presque dès leur naissance, afin qu'ils s'accomodent facilement notamment de leurs fausses cornes. "On ne pouvait pas faire autrement, assure le jeune cinéaste. Dans une des scènes du film, un auroch fait face à Hushpuppy. Il fallait que ce soit deux bébés qui aient ce moment de complicité". Et la scénariste Lucy Alibar s'en réjouit. "A chaque fois que je vois cette scène, je me sens forte, car Hushpuppy se sent forte".

Coucou

Et les vrais aurochs, alors ?

Même si ces bestiaux ont l'air effectivement de jolies créatures antiques, il ne vous aura pas échappé que les aurochs ont vraiment existé, et qu'il s'agit non des ancêtres de Babe mais plutôt de Marguerite. Mon petit cœur de Périgourdine ne peut d'ailleurs s'empêcher de rappeler que les aurochs sont les stars de la grotte de Lascaux.

Chez moi (enfin presque)

Bref. Pourquoi donc avoir refusé de faire jouer des vaches ? "Je pense que la plupart des gens n'ont jamais entendu parler des aurochs, poursuit Ray Tintori dans cette même interview à Pop Omnivore. Nous savions dès le départ que l'on ne pouvait faire appel qu'à deux types d'animaux, parce qu'ils étaient les seuls à avoir l'intelligence nécessaire : les chiens ou les cochons". Des chiens touffus avec des cornes et un gros museau, forcément, c'était moyen.

L'essentiel consistait donc pour l'équipe dans le fait d'être capable de rendre ces bêtes féroces et impressionnantes, ce que des contre-plongées subtilement exécutées et l'utilisation d'un fond vert pour tout recomposer après le tournage ont rendu possible. "Et puis, si je ne m'abuse, les aurochs n'ont pas non plus été prisonniers des glaces, comme dans le film ?", sourit Ray Tintori. La magie du cinéma...

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